J'avais vu (et revu) les Petits mouchoirs et j'avais trouvé que, en étant "de la classe moyenne", on pouvait s'identifier. J'estimais même que ce film était l'équivalent 2010 de Vincent, François, Paul et les autres pour le début des seventies. Même ses défauts étaient des qualités. Par exemple, le point de vue bobo un peu parisien, un peu ignorant de certaines réalités, plus bas dans l'échelle sociale et ailleurs en France, valait témoignage d'une époque (et de ses fractures), par cette demie-ignorance, justement.
Où en est-on, 9 ans après ? D'abord, les Gilets Jaunes (et surtout ce qu'ils révèlent) sont passés par là. On peut dire ce que l'on veut, arguer du fait que ce n'était pas le cas au moment du tournage, il n'empêche : le nombre de critiques (presse vacharde d'extrême-gauche ou spectateur moyen) qui tournent autour de "l'indécence de bourgeois qui se regardent le nombril" m'a surpris.
C'est un peu là où le bât blesse. Sans aller jusqu'aux extrémités de certaines critiques très politiques, je trouve que le film s'évertue à être "hors-sol", pour employer une expression à la mode, à affranchir ses protagonistes de toute matérialité.
En effet, l'un des ressorts principaux de l'histoire, c'est la dépression de François Cluzet, qui connaît une banqueroute et doit vendre sa baraque. Ses amis veulent le soutenir. Très bien ! Comment vont-ils l'aider ? Envisage-t-on que chacun achète une part de la maison de vacances où, somme toute, tout ce petit monde a des souvenirs, et est venu gratos pendant des années ? Ca serait une solution concrète, dans laquelle un couple de spectateur qui gagnent le salaire médian pourrait se reconnaître. Là, non. A la fin, après un joli psychodrame de groupe avec plein de belles images, Cluzet...ne vend pas ! Ah bon, et il fait comment ?
De la même façon, la gestion des enfants est encore plus caricaturale et éloignée de la vérité : ils sont toujours là, mais jamais là ! Ils s'occupent seuls, n'ont pas de problèmes, il n'y a aucune friction entre eux, alors que cohabitent 1 jeune beau gosse qui ramène des bombes dans son sillage, 1 ado déjà moins aidé par la nature, une pré-ado et un gamin de 7 ans. Mouais.... Au moins, dans "Barbecue" (bien plus sympa à tous points de vue), on expliquait que les lardons étaient gardés par les grands-parents et que, du coup, c'était de vraies vacances.
Par ailleurs, difficile de croire que Canet et sa bande, pourtant censés l'être en tant que bons bobos parigots, soient encore des "progressistes". Les questionnements sur l'homosexualité (que je trouvais assez finement amenés dans le premier opus) sont caricaturaux
(le fiancé de Magimel est à la fois précieux et pas sympa, ils doivent être contents les gays qui vont voir le film !)
, pas fouillés, presque traités dans la beaufitude (et c'est un gros relou qui aime la "Cage aux Folles" qui vous dit ça !).
Le traitement réservé à la nounou est encore pire. Sous prétexte de nous faire "rire" avec une dame légèrement psychorigide et un acteur irresponsable, Canet nous montre à voir un personnel de maison qui pourrait saisir les prudhommes une demie-douzaine de fois !
Enfin, les personnages et les situations ne sont pas crédibles :
- Laurent Lafitte sans sa Juliette, c'est illogique : pourquoi est-elle RE-repartie ? (On ne le dit jamais. Je soupçonne une sombre histoire de chevauchement de calendriers de tournages ou de fâcheries entre acteurs....). Si c'est parce que le gars est un looser, ça ne marche pas : ça ne l'avait pas empêché de la reconquérir. De plus, il semblait avoir compris, à la fin du premier épisode, que de temps en temps, faut se sortir les doigts pour les trucs importants. Comment se fait-il qu'il ait replongé si facilement dans la loose ? Bref, ça cloche....
- Je passe sur le divorce de Cluzet, l'improbable love story Lellouche-Cotillard, le retour d'affection de Magimel....
- Je n'épiloguerais pas trop non plus sur le personnage de Valérie Bonneton, qui fait plus penser à une ex-Mme Bezos âpre au gain qu'à Bijou dans Fais Pas ci - Fais pas ça....
Au final, la plupart de ces gens que je trouvais sympas dans "Les petits mouchoirs" m'ont sérieusement pris la tête, au point que je me dise souvent "Mais quelle bande de connards, pas prêt de partir en vacances avec eux, moi !". Le seul sauvable, c'est le gars des huitres.... Le seul qui a des burnes, aussi....
Tout cela est dommage car certains gags sont bien vus et pourraient ouvrir sur du fond
(le coup des 2 soeurs bombes atomiques de 17 ans, je me suis pissé dessus !),
mais non.... De toute façon, les gags sont rares, le film nous montre quand même une bonne bande de dépressifs, qui ne se rendent pas compte que leur vie est globalement bien sympa, surtout comparée à celle de pas mal de gens !
Au final, je conseille à ceux qui ont aimé "Les petits mouchoirs" d'y aller pour comparer, par curiosité, mais sûrement pas pour retrouver l'universalité (relative....) et la bonne humeur du film de 2010.