Sur le papier, on pouvait légitimement se demander pourquoi faire une suite aux « Petits mouchoirs », tant le premier volet avait été réussi et surtout intense. Je comprends qu’il ait fallu plusieurs années à Guillaume Canet pour proposer une suite à ce film qui comptait tant pour lui. Si les personnages sont les mêmes (ils sont tous là, il n’en manque pas un, même Ludo !), et si « Nous finirons ensemble » coche toutes les cases qui avait été cochées par le premier volet, il n’est pas forcément utile de comparer les deux films en permanence. D’ailleurs, je pense qu’il est possible de voir « Nous finirons ensemble » sans avoir vu au préalable « Les Petits Mouchoirs » même si ce serait franchement dommage. Moins long que le premier film (qui pour mémoire durait plus de 2h30 !), le film de Guillaume Canet dure néanmoins près de 2h15 et honnêtement, ça passe tout seul. C’est le résultat d’un film techniquement maîtrisé, qui trouve immédiatement le bon rythme, le bon équilibre entre rire et larme. La bande originale est mijotée aux petits oignons, des Who à Cindy Lauper, la musique est omniprésente et très agréablement utilisée. Elle n’est jamais là juste pour illustrer, quand elle intervient dans une scène, c’est qu’il y a une raison, et une bonne. C’est bien mené, bien réalisé, il a certaines scènes en mer et au parachute très bien filmées. Le film alterne en permanence entre le rire et l’émotion, il y a du suspens même sur la fin. Ce qui j’apprécie, c’est qu’il y a davantage d’humour en finesse et un peu moins d’humour potache que dans le premier film, parce que les personnages ont vieillis sans doute. Les scènes un peu dures émotionnellement sont très vite désamorcées par une touche de comédie ce qui donne au final un film plus équilibré que « Les Petits Mouchoirs ». Autant la fin du premier film avait été un supplice pour moi, au point que je n’ai jamais eu le courage de le revoir, autant celui-ci passe bien, sans à-coup. Flûte ! J’ai dit que c’était une mauvaise idée de comparer les deux films et je n’arrête pas de le faire… ! Le casting n’a pas changé, il s’est même étoffé avec la présence de José Garcia en voisin (très) entreprenant, un rôle qu’on aurait peut-être aimé un peu étoffé. Pareil pour le personnage de Valérie Bonneton, qui a très peu de scènes et sur lequel il y avait encore, peut-être, des choses à dire. Les autres sont toujours là, et s’ils ont changé, c’est à la marge seulement. Ils sont nombreux alors je ne vais pas faire le catalogue mais m’attarder sur François Cluzet, qui est clairement au centre du scénario. Il campe un Max au bout du rouleau, qui semble être celui qui a le plus morflé depuis la mort de leur ami, et il donne à son personnage une fragilité à fleur de peau, une profondeur qui force le respect. Cluzet est un immense acteur et ici, il le prouve une fois de plus, au point (presque) d’éclipser ses petits camarades. Le scénario met en scène une amitié brisée, qui s’est effondrée sur elle-même tel un château de carte avec la mort de l’un d’eux. Si certains semblent avoir levé leur « petits mouchoirs »,
comme Vincent qui a enfin fait son coming out, ou Isabelle qui retrouve une liberté, d’autres trimballent encore leur mal être. Marie n’est pas remise de la mort de Ludo, elle boit trop, elles est à fleur de peau tout le temps, elle a un fils qu’elle élève seul et a du mal à sentir la fibre maternelle vibrer en elle. Antoine, ben c’est Antoine… Toujours looser, maladroit, à la traîne. Eric est un acteur qui a enfin trouvé le succès mais dont la vie personnelle est catastrophique.
Le temps passe, certaines souffrances ne passent pas, certaines failles ne se rebouchent pas, certains petits mouchoirs continuent de cacher l’essentiel. Le scénario fonctionne parce qu’on se rend compte que la mort de Ludo (son fantôme est là en permanence dans les esprits) n’a rien réglé de leur problème, au contraire même, elle les a privé d’une amitié qui leur faisait indéniablement du bien. Est-ce qu’à la fin de deuxième film tout est réglé ? Pas sur… Mais ce qui est sur c’est que ces retrouvailles étaient nécessaires pour continuer d’avancer. Elles étaient nécessaires pour Max, quoi qu’il en dise, et nécessaires pour Marie aussi, qui ne va pas beaucoup mieux quand on creuse un peu. Pour les autres aussi, même si c’est moins évident. Les détracteurs des « Petits Mouchoirs », qui trouvaient que les états d’âme et les bêtises d’une bande de bobos parisiens en goguette qui se regardent le nombril ne faisaient pas un film, devraient se dispenser de ce second volet : ils ne trouveront pas autre chose. Mais ceux qui, comme moi, avait l’impression que, sous ses airs de comédie, les personnages de Guillaume Canet traitaient de choses essentielles ne devraient pas bouder leur plaisir. On retrouve Max, Marie, Antoine, Eric, Vincent, Isabelle et les autres comme on retrouve des potes dont on a été séparés trop longtemps !