Je ne connais pas assez bien l’œuvre de Conan Doyle pour savoir si Sherlock Holmes avait une petite sœur, pour tout dire cela m’étonnerait beaucoup. Mais ce n’est pas cela qui va arrêter le cinéma et les scénaristes Jack Thorne et Nancy Springer. Féminiser les héros d’hier est très tendance, alors puisqu’on ne peut décemment pas inventer un Sherlock Holmes femme, affublons-le plutôt d’une petite sœur, de préférence capable de rivaliser avec lui et avec les mêmes armes que lui. Le réalisateur de ce film Netlix, Harry Bradbeer, a vu les choses en grand : reconstitution soignée de l’époque victorienne et particulièrement des bas fond de Londres, scènes d’action en pagaille (arts martiaux, explosions, cascades …), petits artifices ludiques à foison, les moyens sont là pour faire de « Enola Holmes » le film grand public qui convient a tous. Il n’arrive malgré tout pas vraiment à rivaliser avec Guy Ritchie, qui en la matière a mis la barre assez haute. Il y a une chose dont Harry Bradbeer use (et abuse un tout petit peu), c’est de faire du spectateur l’interlocuteur de l’héroïne qui nous parle, nous fais des mimiques, des clins d’œil, et du coup ca donne un effet « voix off » omniprésent. Je n’ai rien contre ce genre d’effet qui peut très bien fonctionner, créant une complicité entre le spectateur et le héros, mais là il en abuse un tout petit peu, je trouve, ça finit presque par parasiter certaines scènes ! Sinon, on a droit aux scènes de combat qui durent un tout petit peu trop longtemps, aux effets de mise en scène un peu éculés, aux longueurs aussi, surtout sur la fin. Son film fait 2h10, c’est un peu trop long, il aurait surement pu élaguer une scène ou deux pour donner un peu plus de rythme. Dans le rôle d’Enola, la jeune Millie Bobby Brown fait le job, même si elle parait un tout petit peu tendre pour le rôle d’une femme de la fratrie Holmes, quand même. Elle est mignonne, elle ne ménage pas sa peine mais son jeu est un petit peu plat par moment, particulièrement dans les scènes d ‘émotion. C’est une jeune actrice qui a encore besoin d’expérience pour élargir sa palette. Helena Boham Carter n’en manque pas, elle, d’expérience. Dans le rôle de la maman Holmes elle fait ce qu’elle sait très bien faire, donner corps à une femme forte, un peu fantasque et en marge, elle a incarné ce genre de rôle chez Tim Burton une de paire de fois. Mycroft Holmes est incarné de façon très psychorigide (et fort peu nuancée) par Sam Claflin et c’est au très sexy Henry Cavill qu’est accordé le privilège de rentrer a son tour dans le costume de Sherlock Holmes. Henry Cavill, je l’ai à l’ œil depuis la série « Les Tudors », et je remarque que plus Sherlock Holmes est incarné à l’écran, plus il est sexy ! Je croyais avoir atteint un pic avec Robert Downey Junior, et bien voila encore plus sexy ! N’en jetez plus ! Malheureusement pour nous, Henry Cavill n’a pas un rôle assez étoffé pour que son Sherlock soit inoubliable : 4 ou 5 scènes tout au plus, c’est trop peu pour qu’on puisse juger de la qualité de son Sherlock à lui. Le scénario est sans doute le point faible de « Enola Holmes ». La quête de la mère disparue de doublant d’une autre intrigue. Dans le train qui l’emmène à Londres loin de Mycroft et de ses projets funestes, Enola rencontre un aristocrate en fuite lui aussi,
pourchassé par un tueur pour des raisons que lui-même ne comprend pas
. Le souci est que cette seconde intrigue prend carrément le pas sur la première (surement pour mettre en avant la petite histoire d’amour qui va bien) et cela donne un film un peu confus par moment. En réalité, le fond des deux intrigues est le même,
et le peu que je peux en dire sans rien dévoiler est qu’il est très dans « l’air du temps ». Ca a un petit parfum de politiquement correct, pour tout dire. Ce petit parfum n’est pas un problème en soi, à mes yeux en tous cas, mais il ne faut pas qu’il soit trop fort, trop voyant, trop peu subtil sinon ca le rend un tout petit peu contre productif.
« Enola Holmes », je l’ai dit, dure trop longtemps, et on est parfois à deux doigts de décrocher (et comme on n’est pas en salle mais devant sa TV, décrocher est facile) devant un scénario un tout petit peu trop mièvre. Multiplier les rebondissements ne suffit pas toujours à maintenir un film sur les rails, il faut du fond, et « Enola Holmes » pèche un peu de ce côté-là. Du coup, une fois le film terminé, on se demande si ça valait vraiment le coup de tordre l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle pour y caser une adolescente de 16 ans. Poser la question, c’est déjà un peu y répondre…