Si « Le Secret de la Pyramide » se voulait être une relecture intéressante et divertissante des héros d’Arthur Conan Doyle, celle d’Harry Bradbeer en aspire autant. C’est par le crochet de la romancière américaine Nancy Springer, que l’on se stupéfait d’un détournement, sans doute inapproprié à une certaine époque, mais qui s’avère plutôt malin dans sa construction. Bien entendu, son succès est proportionnel à l’échelle de son public, qui incarne la préadolescence comme source d’émerveillement et de renouvellement. Le réalisateur de « Fleabag » se laisse alors distraire par la première des aventures de la cadette des Holmes, conçue dans les mœurs de l’époque Victorienne et sans pour autant négliger un nom de famille symbolique.
Enola (Millie Bobby Brown) est une jeune enfant, instruite et éduquée par une mère (Helena Bonham Carter) qui brise les conventions sociales. Inutile de se poser la question plus longtemps, car oui, le récit clame son tempérament féministe et l’assume pleinement. C’est d’ailleurs ce qui séduit au premier abord, une fois que l’on parviendrait ou non à se défaire de l’ennuyeuse et loquace héroïne brisant le quatrième mur. Elle apporte une énergie chère aux teen-movie qui ne cherchent plus à développer davantage l’identité même de la femme d’aujourd’hui. Son portrait est souvent vague et malheureusement, ce film épouse ce vilain défaut. Le message aura beau être joli, poli et crypté, il ne reste pas moins palpable jusque dans les mimiques d’un damoiseau en danger. Ainsi, chaque apparition masculine sert brièvement l’intelligence et l’acuité d’Enola, à confronter le drame et la brutalité du monde qu’elle découvre pour la première fois.
Que ce soit l’intransigeance de l’aîné Mycroft (Sam Claflin) ou du pur modèle de compréhension fraternel par le biais de Sherlock (Henry Cavill), elle trouvera une porte de sortie. Ce ne sont d’ailleurs que des éléments secondaires, qui ne mettront jamais vraiment le frein sur la liberté que réclame Enola, en toute sincérité. Il viendra toutefois un moment, où sa révolte contre l’institution d’un pensionnat, donnera plus de visibilité aux suffragettes. Au-delà de l’éducation et des bonnes manières, on y insère le côté pratique et inébranlable d’un cerveau musclé. Mais nue fois encore, la mise en scène ne donne pas les moyens pour rendre cette intrigue palpitante. Le nœud de l’enquête peut rapidement desservir l’évolution de l’héroïne, qui avance par pulsion. Et cela aurait été moins contraignant de la déposséder de ses atouts, avant de la livrer dans les bras du Lord Tewkesbury (Louis Partridge). Rassurons-nous toutefois qu’une romance ne fait pas le compromis d’insister, bien que nous sentions l’hésitation.
En outre, l’incarnation d’Enola tient inévitablement d’un mixte entre un docteur Waston revigoré et un Sherlock junior. Mais chaque héros possède ses faiblesses qu’il convient d’exploiter en temps et en heure. Dans ce cas-ci, « Enola Holmes » ne fait que rebondir sur des répétitions et des rencontres dont on finit par broder le portrait des personnages, au lieu de les aborder frontalement. La durée pèse énormément dans cette aventure qui écume les explications et qui appauvrit une narration plate, voire sèche. Peut-être vaudrait-il mieux revoir en quoi la caractérisation des personnages et de leur émotion s’avère capitale, avant de mimer ce qui est élémentaire.