Pour la troisième fois, Bruno Dumont s’attèle à poursuivre son objectif au long-cours d’une adaptation exhaustive de la pièce de Charles Péguy consacrée à Jeanne d’Arc, et se consacre cette fois plus spécifiquement aux parties relatives aux ultimes batailles et au procès. Etant donné qu’il ne s’agit plus de porter le texte par l’étrange prisme d’une comédie musicale comme ce fut le cas pour ‘Jeannette, l’enfance de Jeanne’, j’ai cette fois beaucoup de mal à comprendre la logique poursuivie par Dumont. Chanté par des amateurs, le premier film était longuet, consciemment approximatif, parfois insupportable mais au moins pouvait-on faire preuve d’une curiosité bienveillante à l’égard d’une vision aussi particulière d’un texte classique. Comme Dumont le précise lui-même, le texte de Péguy est complexe, exigeant, pourvu de multiples dimensions...et je ne parviens donc pas à comprendre quel plus-value serait à retirer de son interprétation par des comédiens amateurs, si ce n’est d’être raccord avec toute la filmographie récente du réalisateur La volonté d’anachronisme visuel (dans les dunes du Pas-de-Calais) qui intriguait dans le film précédent, on n’y fait plus vraiment attention et pour ce qui est du texte, on suit avec un ennui croissant ces anonymes qui font pourtant de gros efforts pour être à la hauteur de l’enjeu. De temps à autre, le résultat est certes drôle, bouffon, décalé...mais on parle de quelques lignes de dialogues perdues dans un film de plus de deux heures. Il y a pourtant une certaine logique qui a guidé les choix de casting du réalisateur : ainsi, durant le procès, les juges sont joués par des professeurs d’université, rompus à l’argumentation. On rencontre même quelques célébrités, comme Fabrice Luchini dans le rôle du roi de France, ou Christophe dans celui d’un des jurés du procès, en charge des rares parties chantées subsistantes. A la lecture de quelques critiques, je vois qu’on qualifie ‘Jeanne’ d’oeuvre élégiaque. On admire la sérénité dépouillée qu’insufflent les scènes tournées dans la cathédrale d’Amiens. On s’émerveille de cette petite actrice, plus jeune que la véritable Jeanne, au regard décidé et intransigeant, par opposition aux adultes prêts à toutes les compromissions que leur dictent leurs intérêts du moment. On va même jusqu’à la comparer à Greta Thunberg. Tout cet enthousiasme est peut-être justifié mais force est de reconnaître que je suis passé à côté de toutes ces considérations, tant cette adaptation moderne improbable m’a ennuyé au-delà de tout entendement.