Synonymes a reçu l'Ours d'Or du meilleur film au Festival de Berlin 2019.
Synonymes s'inspire du parcours de son réalisateur lorsqu'il vivait à Paris au début des années 2000 après avoir subitement quitté Israël : "c’est comme si j’avais entendu une voix surgie de nulle part, comme Jeanne D’arc ou Abraham le patriarche – j’ai compris que je devais quitter Israël. Quitter maintenant, tout de suite et pour toujours, m’arracher de ce pays, fuir, me sauver moi-même du destin israélien". Admiratif de Napoléon, Zidane et Godard, il pose donc ses valises en France sans visa ni papiers et avec une connaissance limitée de la langue de Molière. Décidé à couper tout lien avec son pays d'origine, il s'est lancé dans la lecture d'un dictionnaire français tout en enchaînant des petits boulots alimentaires et précaires.
Une fois arrivé à Paris, Nadav Lapid s'est lié d'amitié avec un Français qui lui a fait découvrir le cinéma : "Il m’a appris ce que c’était un plan, une séquence, un plan-séquence. Il m’a appris que le cinéma pouvait être un objet de réflexion et de débat. Il m’a fait comprendre que la seule chose qui est aussi belle qu’un beau film, est la capacité de parler du film, de penser le film, d’écrire sur le film". Décidé à intégrer la Fémis, le réalisateur est recalé à la dernière étape du concours. Abattu par le manque de perspectives qu'il avait en France et sa situation précaire, il décide de retourner en Israël où une maison d'édition lui proposait de publier un recueil de ses nouvelles.
Synonymes est le premier rôle au cinéma de Tom Mercier. Étudiant en théâtre lorsqu'il est venu auditionner, il a tant impressionné le réalisateur et la directrice de casting qu'ils ont annulé les autres auditions de la journée. "Ce n’était pas forcément la qualité de son jeu, mais d’abord sa présence, ce mélange étonnant de liberté totale et d’attention quasi obsessionnelle pour les détails, un mélange de quelque chose d’à la fois sauvage, brutal, violent, sensible et fragile. Un côté ludique, charismatique et vulnérable aussi. Et une sexualité qu’on ne peut absolument pas classifier et cataloguer. Ce mélange, c’était tout simplement Tom lui-même", explique Nadav Lapid. À l'instar de son personnage, le comédien s'est installé à Paris et a appris la langue en s'immergeant totalement dans la culture hexagonale.
Synonymes entretient des liens avec les films précédents de Nadav Lapid : Yoav est le nom de l'enfant dans L'Institutrice et d'un des personnages de La petite amie d'Emile, moyen métrage de 2006 dans lequel on retrouve également des protagonistes prénommés Emile et Caroline. Si ces connexions ne sont pas préméditées par le réalisateur, il reconnaît néanmoins un lien évident entre ses oeuvres : "les courts-métrages aussi bien que les longs s’intègrent dans le même mouvement. Ils disent tous les mêmes phrases avec la même musique. À partir de là, il y a évidemment des différences tactiques, des nuances, reflétant les divers stades de la vie : des angles différents et des perspectives différentes, le même thème observé une fois de gauche, une fois de droite".
La mise en scène de Synonymes opte pour une caméra tremblante afin de coller au point de vue du héros, alors en perte de repères. Ces plans d'errance ont été obtenus grâce à une caméra bon marché et une équipe réduite, composée de l'acteur, du réalisateur, du chef-opérateur et du preneur de son.