Il y a des films comme celui-ci qui ont le don d'énerver. Les Traducteurs est la définition parfaite du film "foutage de gueule". À l'inverse de ce que son récit et son lieu clos laissent paraître, on nous fait passer le film pour une version européenne d'un Cluedo haletant dans lequel il faut se remuer les méninges et démasquer le coupable. Mais en réalité, il n'en est rien.
L'intrigue, simple mais prenante, des Traducteurs est rapidement balayée et dépassée par un grand n'importe quoi qui pense faire de ce charabia indigeste un tour de force cinématographique : ces pseudos rebondissements bien trop nombreux faisant croire au spectateur que le récit a une longueur d'avance sur lui, et ses personnages caricaturaux largement critiqués dans d'autres avis AlloCiné (le Grecque anticapitaliste, l'Allemande rigoureuse, l'Italien trop fier de lui, j'en passe et des meilleurs). Un film choral oui, une co-production européenne d'accord, mais avec des protagonistes creusés et fouillés et non pas une pléiade de clichés réducteurs auraient été bien plus intéressant.
On comprend rapidement les chemins caractériels à venir des personnages à cause de leur écriture pathétique dépourvue d'authenticité. Par exemple, le fanatisme de la (méchante ?) Russe pour cette saga à succès et qui pourrait bien être la coupable idéale, nous fait-on croire. Ben oui, parce que les autres sont bien trop polis, respectueux et obéissants/ soumission (clichés du film !) pour prétendre être les vilains de l'histoire. Ou bien le traducteur anglais, (Alex Lawther, très bon), mais qui au fil du récit devient de plus en plus antipathique, à l'instar des autres personnages. Finalement, aucun des protagonistes ne se détache du lot. Ah si, le coupable évidemment, qu'on nous fait passer pour un génie qui, comme tant d'autres personnages avant lui, avait soixante-dix mille coups d'avance sur tout le monde !
Ces trop nombreux twists à répétition m'ont quelque part fait penser au tout aussi "foutage de gueule" Anna de Luc Besson. Les Traducteurs, vide de forme, d'inventivité et d'idées comme son comparse de Europacorp, prend le prétexte de flashbacks incessants pour tenter d'expliquer de façon pitoyable les tenants et aboutissants (aux mobiles franchement secondaires expliqués plus tard) de tout ce plan. Car au final, quand on y pense, ce qui a poussé le coupable à agir de telle sorte est futile, spoiler :
si Alex, le traducteur britannique, voulait que sa saga soit une vraie saga littéraire et non pas un produit marketing comme vendu par le personnage de Lambert Wilson, il suffisait qu'il se manifeste pour s'y opposer et non jouer à l'auteur anonyme en faisant passer le pauvre libraire pour l'auteur des romans auprès de la maison d'édition
.
En fait, ces enchaînements stériles de faux rebondissements putassiers à travers flashbacks et explications sont le gros échecs des Traducteurs. On retrouve, comme dans d'autres œuvres, ce personnage insolent qui se croit meilleur que les autres, invincible et possédant une longueur d'avance sur tout le monde, protagonistes et spectateurs compris, sans jamais être inquiété d'une quelconque menace. Sauf que tout cela fait passer le précieux spectateur de ce film pour un sombre crétin qui n'a pas la moindre chance/ occasion de démêler le fin mot de l'histoire. Se trouve donc un scénario ridicule qui se pense être malin en baladant le spectateur, telle une carotte devant les yeux, de pistes en pistes, mais qui tombe complètement à plat.
Des personnages plus clichés tu meurs, une fausse tension au troisième acte qui croit de nouveau nous surprendre une énième fois avec des explications improbables (spoiler :
la confrontation en prison entre l’éditeur et le coupable, Alex Goodman ; et oh surprise, le méchant éditeur porte en fait un micro et bien-sûr, ce génie d'auteur l'avait compris et prend bien le soin de raconter la confection de son plan de génie que rêvait de connaître l'éditeur en masquant de ses mains le micro caché. Ben oui, pour les policiers un peu crétins et naïfs qui espéraient obtenir des confessions aussi facilement. Mais le romancier est bien trop intelligent pour se faire avoir comme ça !
).
Alors oui, si on cherche vraiment du positif dans Les Traducteurs on peut dire que l'ambiance et les décors sombres ajoutent un certain cadre. Mais au-delà de cela, rien ne vaut le temps, la peine et l'énergie passés devant un film arrogant et sans proposition prêt à prendre n'importe quelle direction pour faire croire à un récit habile et intelligent.