Dans une France d’antan encore en reconstruction, "Mon oncle" est une satire de la haute classe sociale. Tout est mis en œuvre pour tourner en dérision, (allez j’ose le mot), pour se moquer du côté m’as-tu vu et superficiel de ces gens. Cela passe par une maison hyper moderne pour l’époque : une maison que je n’aurai pas faite (question de goût, bien sûr), domotisée à souhait et équipée d’appareils dernier cri, un jardin de 200 m² tout au plus mais dont l’aménagement est pensé jusqu’au moindre centimètre carré : une terrasse pour prendre la collation de 16h, un endroit spécifique pour le café, et une fontaine qu’on ne fait fonctionner que dans le simple but d’en mettre plein la vue aux visiteurs. Ah et puis il fallait passer par le langage, plus guindé que soutenu, avec une exagération voulue et assumée des intonations. Misère… je ne me vois pas parler ainsi : "il faut être bien sâââââge", "tout côôômmunique", "je vous en prie, asseyez-vous", et j’en passe. Malheur, si un jour je devais parler ainsi, faites-moi interner !!! Le pire est, comme souvent, que les gens les plus riches ne sont pas les plus généreux. Ce constat nous a été clairement exposé puisque ce couple richissime économise l’électricité en n’allumant la fontaine que lorsqu’ils reçoivent du monde de leur rang, et la sœur de Hulot se met carrément à la tâche question ménage en grande maniaque. Vous l’aurez compris, nous sommes donc en présence d’un pamphlet, d’une caricature où le bruitage occupe une place encore plus importante que les dialogues. Alors que certaines scènes ne servent pas à grand-chose, on notera néanmoins le contraste offert par Jacques Tati en opposant la bourgeoisie avec la classe populaire. En effet, la course à l’échalote qui consiste à vénérer un matérialisme toujours plus gourmand contraste avec le peu de besoins dont se contentent les gens plus… normaux. Ainsi les belles carrosseries sont opposées aux vieilles bicyclettes et Solex, et la maison cubique est opposée à cet appartement d’une bâtisse biscornue dans laquelle Jacques Tati se déplace tel un automate. Par ailleurs, une certaine nostalgie peut rattraper le spectateur quand il voit les pots à lait, le marché où les victuailles sont encore en vente directe, bien loin des grandes surfaces d’aujourd’hui. "Mon oncle" est donc une comédie burlesque qui a eu son succès puisqu’elle a remporté en 1959 l’Oscar du meilleur film étranger et le prix spécial du jury au Festival de Cannes l’année précédente. Cette réalisation n’est pourtant pas dénuée de quelques petites erreurs, notamment avec ce violoniste qui n’est pas du tout raccord avec la musique du moment, ou encore un canapé vert en forme de haricot toujours différent (tantôt sans franges, tantôt avec, sans parler du dossier), mais aussi avec les séquences des fenêtres. Hulot positionne ses fenêtres de façon à faire chanter les oiseaux dans leur cage, mais sur le plan d’après, les battants ne sont pas positionnés de la même façon. Cette erreur s’est même produite à deux reprises. Peu importe, l’essentiel n’est pas là puisque l’attrait de ce film réside en la structure admirablement orchestrée pour dénoncer et donc ridiculiser cette façon d'être, et je dois dire qu'Adrienne Servantie est admirable avec ce bras très souvent levé à mi-hauteur. Accompagné par une partition que nous sommes nombreux à connaître, "Mon oncle" repose sur un scénario simple mais qui a beaucoup à dire, rythmé qu'il est par des situations savoureuses de drôlerie, comme le pic planté là où il ne faut pas, ou encore la trace de chaussures qui prête à confusion ; des situations apportées par un Monsieur Hulot empreint de gaminerie (taille de l'arbuste), de maladresse et surtout peu enclin à l'inquiétude.