J'ai été assez étonné par ce film, qui derrière son côté gore et ultra-violent recèle pas mal de subtilités.
Pourtant, le synopsis se résume en une phrase : et si Superman avait mal tourné ? Mais, étrangement, cette version pourtant assez évidente d'un mauvais Superman n'avait jamais été exploitée : une version où, tout simplement, Superman serait un jeune garçon malade psychologiquement, qui grandit dans un monde un peu plus dur (= proche de la réalité ?) que Smallville, avec des parents un peu plus banals et moins à cheval sur les valeurs morales que les Kent, peut être un peu moins attentifs aussi, etc. Le tout faisant lentement basculer ce pseudo-Clark dans une folie mêlant absence totale d'empathie et mégalomanie. Vous vous en doutez, la violence sera bien sûr au rendez-vous.
Bien heureusement, donc, les scénaristes ont eu le bon goût d'éviter la ficelle évidente du "pauvre enfant battu qui devient un super-vilain" et autres origin-stories mélodramatiques et surtout vues et revues.
Ici, le basculement se fait de manière plus subtile (du moins au début).
Tout d'abord on part d'un environnement très similaire à celui de la famille Kent que l'on connait tous : une tranquille petite ferme du Kansas où deux parents malheureusement infertiles voient, une nuit (et non pas un jour contrairement au Superman d'origine !) un vaisseau s'écraser dans la forêt derrière leur maison. Dedans évidemment, ils découvrent un bébé.
10 ans plus tard, Brandon (a.k.a Clark) est un jeune garçon, plutôt timide et distant, et qui semble pour le moins impopulaire auprès de ses petits camarades (sauf une fille, on y reviendra). D'une certaine manière donc, il est déjà un peu à l'opposé du Clark Kent sûr de lui et beau gosse que l'on connaît dans Smallville (ici rebaptisée Brightburn.
Mais au delà de ça, c'est tout l'univers qui s'avère bien différent. La ferme des Bryer (les Kent de ce monde alternatif) est un peu plus miteuse, mais rien de dramatique (ouf ! On a aussi évité de justesse le cliché du garçon qui devient méchant parce qu'il était pauvre !). À l'école, on semble enseigner des choses ... particulières. Par exemple la scène de cours où le professeur semble trouver primordial d'expliquer à des enfants de 12 ans la différence entre guêpe et abeille, vidéo à l'appui. S'en suit une réponse perturbante de Brandon, avec sa prof qui semble pourtant trouver ça parfaitement normal. Bref, tout m'avait paru étrange et un peu improbable dans cette scène. Avec le recul je comprends que c'était justement l'objectif !
De plus, les armes à feu semblent omniprésentes dans la vie de Brandon (sans doute un parti pris politique du réalisateur) : contrairement à Clark, on le voit plus chasser avec son père que planter du maïs ou conduire un tracteur. Il se voit offrir un fusil pour ses 12 ans par son oncle, etc.
Par ailleurs, et malgré leur bonne volonté et leur bienveillance, on sent des difficultés de communication entre Brandon et sa famille (la scène où son père tente de lui faire une introduction maladroite à la puberté et à la sexualité en est la meilleure preuve ; tout comme le simple fait qu'aucun de ses proches ne s'aperçoive qu'il a des pouvoirs alors même qu'ils savaient bien qu'il était un E.T.).
Mais au delà de ça, Brandon est clairement un garçon atteint de troubles psychiatriques. Harcelant sa fameuse camarade qui était la seule gentille avec lui ; sorte de reflet perverti de l'amour passionné que voue Clark à Loïs ici tourné en obsession maladive et dominatrice, qui finira par le conduire à tuer la mère de la pauvre fille car elle ne veut plus qu'il l'approche. C'est d'ailleurs elle, la première victime humaine de Brandon.
À partir de là, tout est fini. Brandon Breyer ne sera jamais Clark Kent, et il devient de plus en plus violent jusqu'à évidemment finir par tuer d'abord son oncle, puis ses propres parents ; violente apothéose d'une rare brutalité (du genre, vraiment, si Superman était un sociopathe meurtrier, certain de sa supériorité, avec aucune empathie et voulant asservir la planète entière ... Un vrai carnage).
S'en suit un générique intéressant, sorte de teaser pour une suite. On y voit peu à peu Brandon passer du meurtre en série aux tueries de masse, et l'on apprend notamment l'existence d'une version maléfique d'Aquaman et de Wonder Woman. Personnellement ça m'a bien donné envie de voir ce qu'il adviendra de cette Justice League inversée, vont-ils s'entretuer ? S'allier pour combattre un Super-héro émergent ? Ou pour dominer l'univers entier ?
Au final j'ai trouvé que c'était bizarrement l'une des meilleurs origin-stories d'un super-vilain ! Loin des clichés vus et revus de l'enfant battu, ou pauvre, ou délaissé par sa famille, ou avec des parents dérangés. C'est bien plus subtil (sans doute la cause de certaines critiques qui ont eu l'impression qu'il avait mal tourné sans raison ..? Pourtant j'ai trouvé que c'était justement bien dosé, on sent le malaise général et ambiant, mais rien de trop forcé) ... et d'une certaine manière, plus réaliste. Car non, les tueurs en série ou les "méchants" de manière générale n'ont pas toujours d'autre raison que, "tout simplement" leur esprit malade, même sans traumatisme évident, avec une famille aimante et une bonne éducation, certaines personnes tournent mal. Et là, pas de bol, c'est Superman !