Un film danois en VOST, qui ne met en scène qu’un seul acteur et qui ne se déroule qu’entre les 4 murs d’un centre d’appel d’urgence, voilà déjà posé le postulat de départ de ce thriller vraiment pas comme les autres. Décrit comme cela, je comprends que ça puisse effrayer mais au final, ce film est un petit miracle. Unité de lieu, unité de personnage, la réalisation de Gustav Möller mise tout sur la froideur de la situation et le dépouillement de tout artifice : pas de musique, pas d’effets de caméra, une réalisation minimale qui a l’audace d’utiliser le silence presque comme un personnage. Certains silences, interminables, sont lourds d’une angoisse presque palpable. Il faut dire que l’acteur Jakob Cedergren, souvent filmé en gros, voire en très gros plan, transpire l’angoisse au sens propre comme au sens figuré. Au fil des minutes, des appels reçus ou donnés, la réalité de la situation d’Iben (la jeune femme en détresse) se révèle de plus en plus terrible, et aussi de plus en plus ambigüe. Ne jamais montrer l’extérieur, laisser juste le son et les paroles agir sur l’imagination du spectateur, c’est très audacieux, c’est aussi très efficace car tous les sons, même minimes, mêmes anodins, peuvent ajouter à l’intrigue. Quant aux dialogues, souvent difficiles, ils nous maintiennent pendant 90 minutes sous une tension permanente, comme en apnée. Jakob Cedergren incarne un policier visiblement en délicatesse avec sa hiérarchie, un policier impliqué dans une bavure qu’il essaie de couvrir tant bien que mal, un policier dont la vie personnelle est en train de basculer aussi. Assez peu sympathique de prime abord, ce policier s’attache à l’histoire d’Iben comme pour retrouver un sens à un métier qu’il aime mais qu’il n’arrive plus à exercer sereinement. Cet acteur, qui tient le film sur ses seules épaules, est tour à tour énervant, touchant, effrayant, un peu pathétique, un peu maladroit, bref, en 90 minutes il couvrent presque la totalité d’une personnalité somme toute normale. Les autres acteurs n’interviennent que par la voix, il est difficile de juger de leur performance mais encore une fois, c’est un procédé diabolique pour le suspens. Le scénario est d’une efficacité (et aussi un peu d’une banalité) implacable. [spoiler]Ici, par de serials killers ou de meurtriers diaboliques, [spoiler]très vite on comprend qu’Iben est retenue par son ex mari, au passé chargé, et que la séparation se passe mal. C’est banal, c’est douloureusement banal.
[/spoiler] Sauf que, et Asger ne le comprendra que très tard, la situation n’est pas si simple. Il ne s’agit pas seulement de retrouver le véhicule où est retenue Iben, mais de comprendre d’où est venu cet enlèvement, quelle est l’histoire de cette famille. En agissant parfois avec légèreté, croyant bien faire, Asger prend le risque d’aggraver une situation qu’il ne comprend pas, et comment le pourrait-il, derrière son téléphone ? Son impatience devant la situation, la façon qu’il a de contourner la hiérarchie pour aller plus vite pourrait faire exploser une situation qu’à distance, il ne peut appréhender. Lorsque des rebondissements (que malheureusement on sent venir au bout d’un moment) lui parviennent, l’incompréhension, la détresse, la colère qui l’anime peuvent être mauvaises conseillères. Sauf erreur de ma part, le film est tourné en temps réel et se termine aussi brutalement qu’il a commencé, avec un coup de téléphone, cette fois-ci sans qu’on sache qui va décrocher, ou ne pas décrocher. Mais décrocher, le spectateur ne le fait jamais, complètement immergé dans cette histoire sordide, accroché aux appels reçus ou donnés par Asger, essayant de capter dans chaque phrases, dans chaque son le truc qui fera basculer l’intrigue, on sort de « The Guilty » lessivé ! Ce petit thriller danois, sorti au cœur de l’été, mérite vraiment qu’on lui accorde 1h30 de notre vie d’amateur de cinéma. En cinéma, les petits miracles se font de plus en plus rares, il faut savoir le reconnaitre quand on en croise un.[/spoiler]