Asger est un policier qui vient d'être rétrogradé temporairement au service des appels d'urgence, qui enchaîne les petits coups de fil de soiffards qui ont trop bu, ou d'autres qui se sont fait piquer le sac à main... jusqu'à un appel gravissime, qui va tout changer. Asger n'est pas forcément très compétent, est trop émotif pour ce poste, mais il va tout donner pour sauver une situation critique : on passe 1h25 suspendu avec lui à ce fil de téléphone, dernier lien ténu et fragile entre la vie et la mort de plusieurs personnes, allant à toute vitesse dans les rebondissements macabres (et extrêmement bien pensés) d'une affaire qui nous obsède assez vite. On est à peine à la dixième minute de The Guilty, qu'on arrête déjà de respirer en même temps que l'excellent Jakob Cedergren (on lit la terreur, la colère, l'abattement, sur son visage : on ne voit que sa gueule viscéralement dépitée sur 1h25, et pourtant on a vraiment l'impression d'avoir assisté à toute la course-poursuite, sans aucun manque), qu'on n'ose pas couper les silences pesants joliment laissés dans le film (on vit les moments de suspens pour savoir si la victime va décrocher, si les sonneries stressantes vont enfin déboucher sur une nouvelle info), que la lumière rouge et les longues tirades plaintives du combiné (ces fameux "biiiiip" interminables) se combinent pour nous faire monter le palpitant à 120 (dans les derniers appels, les plus tendus, on a carrément décroché notre télécommande par réflexe). Et évidemment on aborde le point névralgique du film : son twist, dont on ne vous révèlera absolument rien pour que vous puissiez le vivre comme nous l'avons vécu (on est presque tombé de notre chaise). La beauté d'écriture n'est plus à prouver dans un film qui ose aller dans des tabous compliqués (on n'a pas pu s'empêcher de jurer comme un charretier à l'annonce du
bébé éventré
... On ne l'attendait pas), qui ose laisser respirer pleinement l'imagination de son spectateur (on se fait le film dans notre tête, avec ce stress constant d'être aveugle quant à ce qu'il se passe vraiment, dans la même position frustrante et impuissante que le héros), qui nous tire le tapis sous les pieds avec un twist final très fort, et qui s'offre un
sacrifice honnête, une rédemption, pour ce personnage de policier qui avoue tout de sa faute qui l'a fait rétrograder, se condamne à aller en prison pour sauver la vie d'une femme pourtant coupable, et téléphone à son ex-épouse pour lui annoncer le sauvetage qui signifie sa perte...
Même cet échange, on ne l'entend pas, et pourtant, on le sait déjà avec le cœur. The Guilty est un film avec seulement un gars accroché à son téléphone derrière son bureau pendant 1h25, et pourtant on a transpiré comme si on avait suivit à pieds cette course-poursuite macabre, on a été tour à tour très en colère, peiné, perdu (en train d'essayer de chercher la solution) par un scénario surdoué, et on a vécu de l'intérieur la tension qui anime l'impressionnant Jakob Cedergren. On a rarement vu un film qui prenait autant le risque de nous faire confiance pour imaginer et ressentir tout ce qui n'est pas montré : on nous considère, c'est rare. Une pépite à voir à tous prix.