Changement de registre pour Scott Cooper, après un très joli quatuor avec Crazy Heart, Les Brasiers de la colère, Strictly Criminal et Hostiles. Première association avec Guillermo del Toro (producteur ici), première incursion dans le cinéma horrifique et pourtant un sentiment de familiarité en regardant Affamés. Ça n'a pas grand chose à voir avec del Toro. En réalité cette réminiscence, il faut la chercher ailleurs...comme la vérité. Oui, avant d'officier derrière la caméra, Cooper avait passé pas mal de temps devant. Et l'un de ses premiers rôles, il l'obtint dans X-Files.
Des liens avec la série de Chris Carter, on peut en établir plein. L'action du film est située en Oregon, mais on retrouve facilement ses repères dans les paysages canadiens où il fut réellement tourné, ceux-là mêmes qui servirent de décors aux 5 premières saisons d'Aux Frontières du réel. Sans parler de quelques seconds-rôles déjà croisés lors d'enquêtes avec Mulder et Scully. Dernière chose, en fait la plus flagrante : le déroulé du film. Scott Cooper se distingue d'un Mike Flanagan par exemple, dans la mesure où Affamés assume frontalement le paranormal. Comme dans une bonne vieille affaire non classée, la recette se compose de deux couches. La première offre une plongée dans l'inconnu avec un mystère, des morts et pas mal de tension. La deuxième reconnecte son environnement et ses personnages à une certaine réalité, transformant le film en fable sinistre à la Edgar Allan Poe.
À bien des égards, le long-métrage est parfaitement raccords avec les précédents travaux de Cooper peuplés de personnages délaissés ou hantés, en prise avec le passé. Ce qui est rigoureusement le cœur du film, le retour à l'industrie du charbon marquant la résurgence d'un mal qui remonte des entrailles. Une germe qui contamine, altère et se propage, en ramenant ses victimes à un stade inférieur...et terrifiant. La métaphore est claire comme de l'eau de roche, sa traduction cinématographique est d'une noirceur absolue. La structure est connue, Affamés radote légèrement dans certains passages obligés (?) mais la conclusion rachète presque à elle-seule ces errements. Et puis, il serait cruel d'oublier l'éclatante maîtrise de Cooper à la caméra pour créer une atmosphère, en seulement quelques plans, souvent de simples travellings. Sans parler de la photographie, exceptionnelle dans les séquences nocturnes. Terminons avec les comédiens, au diapason : Keri Russell, Jesse Plemmons et surtout l'incroyable Jeremy T. Thomas.
Dans un mélange de nostalgie salvatrice et de pure gestion de l'épouvante, Scott Cooper trouve le ton juste entre ambiance, suggestion et déflagration (elles sont très violentes, soyez-prévenus). L'exploration dans l'horreur n'a rien d'une commande livrée sans passion, loin de là. En plus d'être une jolie révérence à l'une des plus grandes séries US, Cooper poursuit son chemin dans l'Amérique des sacrifiés.