Je ne connaissais pas le cinéma de Guillermo del Toro …en 2017 j’avais hésité devant la Forme de l’eau, mais finalement je m’étais abstenu…Nightmare Alley est donc ma première rencontre avec ce réalisateur…qui là est peut-être sorti de son registre habituel, moins fantastique, mais j’ai adoré ce film noir prenant de bout en bout grâce à la mise en scène très « léchée », thriller somptueux, sinueux et vénéneux à souhait… Le cinéaste adapte cette fois-ci un roman de William Lindsay Gresham, baptisé Le Charlatan. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que cette histoire est portée à l’écran, puisqu’elle avait déjà fait l’objet d’un film en 1947, mis en scène par Edmund Goulding… le film, dans la veine de « Freaks, la monstrueuse parade » de Tob Browning de 1932, ou du cabinet de Docteur Spitzer qui sillonnait les villes de Belgique avec sa collection de monstruosité anatomique, allie les codes du fantastique à ceux du film noir pour mettre en scène la monstruosité avec un grand M. L’histoire suit le jeune Stanton Carlisle (interprété par Bradley Cooper) , qui fuit un passé sombre, dont on montre quelques réminiscences avant d’en connaitre la raison….il se réfugie dans une troupe de forains, troupe hétéroclite, montreurs de monstres , lutteurs de foire, phénomènes pseudo scientifiques… il va se prendre d’amitié avec un couple, Zeena et Pete Krumbein, Zeena tireuse de cartes et diseuse de bonne aventure, Pete vieil alcoolique et ancien mentaliste qui l’initie à son numéro truqué… Stanton se montre doué et capable d’appâter et de manipuler les gens grâce à son talent pour le verbe. Au sommet de sa gloire, il va s’allier à une psychiatre encore plus dangereuse que lui et arnaquer un homme très riche et puissant. Mais il s’y brûlera les ailes…Le film évolue entre deux atmosphères, dans la première partie, le milieu des forains, emmené par le louche Clem Hoatney ( Willem Dafoe), l’atmosphère est poisseuse, il pleut sans arrêt, on y voit peu le jour…il traine parfois en longueur, une lenteur de narration nécessaire à la construction du récit et donner plus de densité au personnage de Stanton… Devenu roi des bonimenteurs, on quitte le monde des forains pour la bonne société de Buffalo, ou avec Molly, la jeune fille qu’il a séduit, il monte une numéro de mentaliste…qu’il donne dans de superbes hôtels, très art déco…. Bradley Cooper livre une interprétation sans fausses notes de Stanton Carlisle, personnalité aussi envoûtante qu’effrayante et peu ménagée par le réalisateur, Cate Blanchett, dont les talents ne sont plus à prouver, fait aussi une démonstration de force avec son incarnation d’une femme fatale, glaciale et glaçante psychanalyste, Willem Dafoe n’a rien perdu de sa superbe, même s’il n’est pas un élément central de l’intrigue…. Seul protagoniste à échapper à ce traitement cynique, Molly campé par Rooney Mara qui se veut l’incarnation d’une pureté qui pouvait être la seule à pouvoir empêcher le basculement du personnage de Bradley Cooper…. Guillermo del Toro, sait mettre en scène, cela ne fait aucun doute. Le cinéaste accorde un soin tout particulier à ses cadrages et sa lumière, ici signée par Dan Laustsen. La manière qu’il a de capturer les décors de fête foraine poussiéreuse permet au film d’embrasser toute sa dimension fantastique. Il s’amuse également dans un univers plus citadin et parvient à retranscrire avec justesse le basculement vers l’horreur qui s’opère à la moitié du film. Une ambiance maîtrisée à chaque instant....Un grand film !!!