En ces temps cinématographique troublé, par la pandémie évidemment mais pas seulement, je dois avouer que Nightmare Alley est une sorte d'îlot culturel. Un îlot de créativité préservé par la fox dans le bien fade empire Disney, un îlot de cinéma osé et bien ficelé au milieu des films sortant cahin-caha au gré des restrictions sanitaires. Ce que je veux dire par là, c'est que je n'aurai sûrement pas pris le film de la même façon si cela avait été dans un contexte moins particulier, mais bon, qu'à cela ne tienne, on aura qu'à dire qu'à contexte atypique, film atypique, et puis qu'on est tous l'esclave de notre subjectivité.
La première chose qui m'a frappé en sortant de la séance, c'est la qualité de la gradation tant dans le propos que dans l'horreur. Je suis rentré guilleret, je suis ressorti horrifié, mais je ne me suis jamais senti sombré. Si ce n'est le personnage de Pete, trop révélateur selon moi, il n'y jamais de palier trop forts d'empirement, sur le plan de l'esthétique comme de l'écriture. Ce qui est convenons en l'idéal pour la mise en image de la descente aux enfers d'un arnaqueur de grands chemins.
Autres qualité essentiel du film dans son ambition de communiquer d'abord de la gêne, puis de l'effarement, les personnages secondaires, la manière dont ils interagissent avec notre héros, ce qu'ils transmettent au spectateur. Des monstres de foire, cruel et arriéré, mais procurant à Stanton travail et couvert ; aux bourgeois qui sous leurs habits de velours sont profondément détraqué, tout est bon pour plonger notre héros dans le malaise en plus de véhiculer un message politique que chaque spectateur interprètera comme il l'entend. Cela crée aussi une dualité intéressante, entre les parties de part et d'autre de la longue éclipse. Des bandits ouvertement malhonnête d'abord, des monstres déguisés en ange ensuite. Un environnement rural et crasseux, présenté d'une mise en scène sale d'abord, un environnement lourds et somptueux filmé avec un kitsch un rien trop prononcé à mon goûts ensuite. Un Stanton bon mais esclave de son entourage qui tente de s'affranchir d'abord, un Stanton malveillant, s'enfonçant dans le danger sans prendre garde ensuite. Je trouve que c'est ce propos, cette idée, qui fait l'intérêt du film, même si je l'ai trouvé par moment, un peu facile, ou un peu lourde.
En fait, la principale qualité de ce film (je n'y pense qu'en l'écrivant), c'est la représentation. La représentation d'un milieu donné, la représentation de personnages secondaires et de leur rapport mutuels avec Stanton Carlisle -dont j'ai parlé dans les deux premières parties - et donc. la représentation de Stanton Carlisle lui-même. Bien que je n'ai clairement pas été convaincu par son évolution dans l'élypse 41-43, (par exemple de l'amélioration de ses pouvoirs de mentaliste, ou de ses rapport avec Molly), ses errements n'en reste pas moins le moteur du film, avec encore une fois un effet de miroir entre les deux grands chapitres. D'abord on le voit au contact de ses bourreaux gagner en assurance, en compétence, et peut-être même en bonté. Ensuite, au contact de ses victimes, perdre tout humanité. Se laisser tenter, par le pouvoir, par la richesse, par l'alcoolisme, par l'adultère, et surtout pire que tout, par le mensonge, seule chose à laquelle il ne devait pas céder.
Pour finir, et même si ce n'est pas toujours ce à quoi je suis le plus sensible, on pourra saluer sans réserve les éléments plus techniques qui se mettent au service de cette descente aux enfers. Des jeux d'acteurs très humains, très émotifs, une photographie maitrisant à l'envie le sale et le (faussement) propre, une mise en scène pleine de symbolisme.
En bref, un film employant la maitrise parfaite d'un réalisateur n'ayant plus rien à prouver au service d'une histoire original et très instructives : 8/10