Ce n'est pas la première fois que la réalisatrice Stéphane Mercurio pose sa caméra dans le monde carcéral. En 2008, elle signe À côté qui s'intéresse aux familles de prisonniers qui viennent au parloir et plus particulièrement aux femmes de prisonniers. Quatre ans plus tard, elle réalise À l’ombre de la république, qui lui a permis de pénétrer au coeur de l’enfermement, dans les quartiers disciplinaires, les cours de prison, les cellules, ... Elle y rencontre des prisonniers purgeant de longues peines. Marquée par cette expérience, elle décide de s'intéresser à "l'après prison". Grâce à Bernard Bolze, cofondateur de l’OIP (Observatoire International des Prisons), elle entre en contact avec le metteur en scène de théâtre Didier Ruiz qui allait commencer à collaborer avec d’anciens détenus sur une pièce intitulée Une longue peine.
Aucun casting n'a été effectué pour choisir les prisonniers, comme le précise la réalisatrice : "Didier [Ruiz] a pris les gens avec lesquels, il était possible de travailler : ceux qui avaient reçu du juge l’autorisation de changer de région – puisque certains étaient encore sous contrôle judiciaire, ceux qui en avaient envie, ceux qui étaient disponibles pour participer à cette aventure et que leur travail n’empêcherait pas de faire la tournée."
Au-delà d'être un film sur la prison, Après l'ombre aborde également le collectif, la confiance mais aussi la libération de la parole, un sujet cher à la réalisatrice : "Prendre cette parole a eu très certainement pour certains d’entre eux un rôle important dans la confiance en soi, l’estime de soi tellement mise à mal par l’incarcération."
Les prisonniers, qui n'avaient jamais joué la comédie, se sont retrouvés à participer à une pièce de théâtre dans laquelle ils racontent leur propre histoire. Le défi était double pour eux car ils étaient suivis par l'équipe du film. Pourtant, la caméra a vite su se faire oublier, comme le précise la réalisatrice : "Ils étaient si absorbés par leur travail. Ils savaient qu’on était là bien sûr, mais ils nous oubliaient."
La réalisatrice a fait le choix de ne pas dévoiler les raisons exactes de l'incarcération des prisonniers afin de ne pas polluer la réflexion sur la prison : "Le motif de la condamnation risque de dévorer toute la pensée autour de la prison : on le juge grave, ou pas si grave que cela. Chacun a son échelle de valeur mais la question n’est pas là. Il faut se demander : doit-on être traité de la sorte en prison ? Les durées des peines sont-elles justifiées ? Que fabrique la prison ? De toute manière, ces hommes ont été condamnés, ils ont purgé leur peine."
La réalisatrice estime que "La réflexion politique sur la prison est très pauvre, désespérante. Les politiques répondent aux peurs par toujours plus d’emprisonnement. Les chiffres explosent, les durées des peines ont doublé. Le nombre de détenus aussi et on voit que la prison devient impossible aussi pour le personnel pénitentiaire. (...) Il est admis que la prison ne permet pas de se réinsérer. Les études sur cela sont innombrables. Je crois que la prison fabrique la violence de demain."
En France, aucune mesure n'instaure un minimum légal d'activités proposées aux prisonniers. 80 811 personnes sont détenues dont un surnombre de 10 549 prisonniers. 115 suicides ont été recensés en 2015 et 80% des prisonniers présentent des pathologies psychiatriques.