Le dernier film de Valérie Lemercier était ultra attendu, repoussé deux fois par les affres de la pandémie et précédé d’une bande annonce très efficace, voilà enfin « Aline » sur les écrans. Ce faux biopic est techniquement tout à fait réussi. Les effets spéciaux, sur lesquels on pouvait légitimement avoir des doutes (puisque Valérie Lemercier incarne Aline de 6 à 50 ans), fonctionnent finalement très bien. Le film suit une trame chronologique (si on excepte la première scène) et il débute même carrément en 1932 ! Lemercier utilise tout ce que le cinéma met à sa disposition pour caler son histoire dans la vraie histoire de Céline Dion : les images d’archives chez Michel Drucker et le hors champs pour l’Eurovision. Mais quand il faut reconstituer le Stade de France, la scène de Vegas ou celle des Oscars, et bien elle y va, elle n’a pas peur et elle envoie du bois ! Là encore, il s’agit d’effets spéciaux mais en jouant avec la lumière, en positionnant sa caméra comme il faut, elle donne sacrément bien le change. Le film est assurément ambitieux. J’apprécie aussi la pudeur avec la quelle elle aborde les passages douloureux (la mort du père, la chimio de Guy-Claude puis sa mort, la dépression post partum) quelques images, un détail, une petite parole, pas plus… Et pourtant, elle m’a fait venir la larme à l’œil très souvent avec son film ! Elle raconte l’histoire d’Aline à grande vitesse, calant la vie de sa vedette sur la vie bien réelle de Céline Dion en me manquant aucunes des grandes étapes de sa carrière,
à l’exception de la rencontre avec Jean-Jacques Goldman (décisive pour la vraie Céline mais surement difficile à transcrire au cinéma)
. La musique est forcément omniprésente dans le film où Valérie Lemercier est doublé par une chanteuse, Victoria Sio, qui a parfaitement capté le style Céline Dion. On se demande souvent qui chante pendant le film : (est-ce la vraie bande son ou Victoria Sio ?) et c’est une vraie performance. Le film est bourré de petites touches d’humour mais il ne faut pas voir dans « Aline » une parodie comme pouvait l’être « Palais Royal ». Ici, il n’y a pas de cynisme, pas de second degré : c’est un film très premier degré, un film de fan. Jamais, absolument jamais, le personnage d’Aline Dieu n’est ridicule, pathétique ou excessif. Je sais que la vraie Céline Dion a pu susciter ce genre de moqueries, mais dans « Aline », Valérie Lemercier filme une jeune fille puis une femme qui est 100% sincère dans tout ce qu’elle fait, ce qu’elle dit, qui ne calcule rien et assume tout, jusqu’au kitch de ses tenues. Du coup, son héroïne est ultra attachante. Et cette histoire d’amour fou entre Aline et Guy-Claude, cette histoire amour improbable, fusionnelle et totale est tellement filmée avec tendresse, sincérité et pudeur qu’elle en devient bouleversante. En prenant le parti du faux biopic, Valérie Lemercier s’autorise peut-être quelques écarts avec la vérité de Céline Dion (que du coup on ne peux pas lui reprocher) mais instinctivement, on se dit qu’il y en a peu, des inventions et des exagérations, dans « Aline » :
la façon dont Aline apprend la mort de son père, cette ballade dans Vegas où on la prend pour son sosie, cette vie trépidante et réglée comme du papier à musique qui la coupe de tout, instinctivement on sent que c’est la vérité
. Personnellement j’ai trouvé la première partie plus passionnante et réussie que la longue seconde partie à Vegas mais qu’importe, on ne s’ennuie pas, on sourit, on est touché, on marche dans la combine et on se demande surtout comment Lemercier va terminer son film. La fin est juste parfaite,
et le film se termine en chanson evidemment, mais pas sur une chanson de Céline Dion, sur une reprise de Charlebois que je ne connaissais pas vraiment.
Je n’ai pas encore parlé du casting, et je commence par souligner la qualité des acteurs canadiens et notamment Silvain Marcel (un Guy Claude magnifique) et Danielle Fichaud en mère poule haute en couleur (et qui n’a pas sa langue dans poche !). Valérie Lemercier a calé son Aline sur la vraie Céline Dion, captant ses mimiques, ses attitudes sur scène, ses attitudes en interview, assurant grave avec un accent qui n’est pas le sien (et qui s’atténue sans jamais disparaitre, sauf quand elle chante, comme la vraie Céline). Lemercier est épatante dans le rôle d’Aline, elle montre une fois de plus qu’elle est une immense actrice. Je pense sincèrement que même si on n’écoute pas Céline Dion chez soi, même si on se fiche de sa carrière comme d’une guigne, on peut réellement être happé par « Aline », voir même touché par cette histoire d’amour à la fois simple et compliquée, et peut-être même bouleversé par l’ascension de cette gamine partie de rien et qui devient une immense star par la seule force de son talent (et du travail qui va avec). Et peut-être qu’après avoir vu « Aline », on aura moins envie de se moquer de la vraie Céline, de ses tenues pas possibles, de ses interview lunaires, parce qu’on aura compris qui il y a derrière toute cette dorure. « Aline » est un faux biopic certes, mais un faux qui, paradoxalement, transpire la sincérité.