Avec « Le Nom des Gens », en 2010, Michel Leclerc et sa complice scénariste Baya Kasmi proposaient un film drôle et stimulant à la fois sur les déboires cuisants des militants de gauche désemparés, sonnés, depuis la défaite de Lionel Jospin de 2002 (ce dernier faisait d’ailleurs une apparition remarquée à la fin du film). Avec la même liberté de ton, le même sens de l’humour et des reparties, mais aussi avec un même regard non dénué de bien-fondé, les deux partenaires s’emparent, cette fois-ci, de la question scolaire.
La première surprise passée, le couple qui évolue à l’écran ne paraît pas invraisemblable. Lui, c’est Paul (Edouard Baer), un gars qui ne croit à rien, qui se rebelle volontiers contre tout ce qui est établi, qui joue comme batteur dans un groupe de punk-rock se produisant, à l’occasion, à des sans-abris qui n’en ont rien à faire. Elle, c’est Sofia (Leïla Bekhti), une avocate soignée de sa personne, qu’on pourrait désigner du qualificatif de beurette. Il y a bien des différences entre ces deux-là, mais s’ils ont un point en commun, c’est de se soucier du bien-être de leur garçon, Corentin, appelé familièrement Coco.
Obligés de déménager à Bagnolet, les parents inscrivent tout naturellement leur enfant à l’école publique Jean-Jaurès (appelée familièrement Jean-Jo). Or, il faut bien se l’avouer, le garçon ne tarde pas à être « le seul Blanc » de l’établissement. Tous les autres ont rapidement été retirés par leurs parents de l’école publique pour être inscrits dans le privé. Paul et Sofia veulent néanmoins tenir bon, même quand c’est leur fils lui-même qui réclame de retrouver ses copains dans le privé.
Tous les clichés sont au rendez-vous dans ce film, mais ils le sont pour être mieux détournés et pour mieux nous surprendre, nous qui habituons si facilement à des discriminations de toutes sortes qui devraient, au contraire, nous choquer. Doit-on simplement invoquer la fatalité en constatant que, dès l’enfance, on est séparés les uns des autres en fonction des origines et/ou du milieu social ? Faut-il s’étonner si, très tôt dans la vie, on se construit des préjugés sur ceux qu’on ne fréquente jamais, au point de s’installer dans la peur de l’autre ?
Avec bonne humeur, mais non sans finesse, Michel Leclerc et Baya Kasmi mettent en évidence les absurdités d’un système qui sépare plutôt que de rassembler. La question de la religion elle-même s’invite dans les débats, par exemple quand Coco s’étonne d’être le seul à ne pas croire en Dieu dans sa classe. Ou lorsque la professeure, toute gênée et usant de périphrases, se voit contrainte de comptabiliser ceux qui ne mangent pas de porc. Ou encore, lorsque c’est le voile d’une femme musulmane qui est utilisée d’une manière inattendue… Ce qui provoque autant de commentaires différents, autant d’interprétations, qu’il y a de personnes présentes. À elle seule, cette scène, particulièrement réussie, prouve la finesse de ce film.