Cela pourrait être un film de fiction un peu glauque, genre La mort en direct, assez acabradabrantesque, si ce n'est que cette émission de télévision existait réellement.... si j'ai bien compris, elle n'a été supprimée qu'après la réalisation du film de Massoud Bakhshi.
Etrange pays que l'Iran. Les premières images, filmées de nuit, sont celles d'une tour de télévision cernée d'autoroutes urbaines surchargées, rubans scintillants à perte de vue. On pourrait être à Los Angeles. Etrange pays où les filles peuvent étudier, exercer des professions masculines à condition d'être empaquetées des pieds à la tête. Où des studios clinquants où officient de jolis présentateurs, minets élégants qui ne dépareraient pas le Bachelor mais placent un Inch Allah à chaque phrase, diffusent des émissions de téléréalité plus vulgaires et plus crues que les chaines américaines. Et étrange système judiciaire qui donnent un pouvoir exorbitant aux familles de victimes. Peu importe le jugement civil: s'il y a eu mort d'homme, sa famille a le droit de réclamer la tête du responsable. C'est la loi du tallion. Ou d'accepter un équivalent en argent. C'est le prix du sang. Ou bien de pardonner...
La nuit de Yalda, au milieu du Ramadan, c'est la nuit du pardon. Et elle a donné son nom, donc, à une émission de téléréalité qui confronte la famille et le meurtrier, rejoue le drame, attend le vote des téléspectateurs par sms, et, en fonction du nombre de votant pour le pardon, paye une partie ou la totalité du "prix du sang" aux plaignants... Si les plaignants pardonnent en direct, l'accusé sauve sa tête (ou plus exactement son cou puisque les exécutions sont par pendaison)
Le père de Maryam (Sadaf Asgari) était le chauffeur de Nasser, riche publicitaire. Maryam et sa mère avaient fini par être considérées un peu comme de la famille, un peu comme des cousines pauvres, et à la mort du chauffeur, la fille unique de Nasser, Mona (Behnaz Jafari), dans un rôle de grande soeur bienveillante, avait trouvé un emploi pour Maryam auprès de Nasser. Mais Nasser, bien qu'ayant environ quatre fois son âge était tombé amoureux de la petite et lui avait proposé un mariage temporaire. Ah! le mariage temporaire. Encore une belle invention de la législation iranienne, une forme de concubinage ne donnant aucun droit à l'épousée qui pouvait être répudiée d'un moment à l'autre mais la morale était sauve: il n'y avait pas de péché.... Condition de la famille: qu'il n'y ait pas de descendance. Aie, Maryam tombe enceinte, refuse d'avorter, accouche finalement d'un enfant mort-né, se dispute avec Nasser, le fait tomber et au lieu d'appeler les secours s'enfuit, le laissant mourir... Sordide histoire reconstituée entre des pubs et des chansons à l'eau de rose de chanteurs à la mode.
Bien sûr que pour la production, le pardon est l'issue nécessaire, d'une part le succès de l'émission repose là dessus, et puis tout ce petit peuple que l'on voit s'agiter en régie, techniciens, assistantes, au fond, ils ne sont pas mauvais, mais que l'accusée leur rend la tache difficile! La mère de Maryam, omniprésente (Fereshteh Sadre Orafaee), celle qui par cupidité a poussée sa fille dans les bras de Nasser, qui exhibe des photos des premiers jours du couple où Maryam semblait très contente d'être devenue une jeune femme riche et élégante, se mêle de tout, donne des mauvais conseils à sa fille, tente de lui faire dire tout ce qu'il ne faudrait pas dire, et Maryam elle même ne sait que pleurer, hurler, accuser, et face à elle, il y a Mona, cette intellectuelle diplômée, glaciale, murée dans son ressentiment.... On s'accroche à cette confrontation fascinante. Dommage que la fin du film soit encombrée de rebondissements et péripéties diverses, sans doute destinées à donner plus de romanesque au film pour le public autochtone mais qui ne nous apportent rien à nous autres qui le regardons come un document quasiment sociologique... et à ce titre, passionnant!