Après s’être révéler avec son « Frances Ha », en passant par la co-écriture de « Fantastic Mr. Fox » avec Wes Anderson, l’Américain Noah Baumbach apprécie mettre est scène des relations conflictuelles, tantôt toxiques, tantôt regrettables. Avec son dernier coup de maître, il se place avec justesse entre les deux, donnant à son récit un air de « Kramer contre Kramer », toujours intimiste, mais avec un point de vue différent du couple. Et à contrario de son « Les Berkman se séparent », on ne se place plus du point de vue des enfants, mais bien des adultes, qui s’affrontent dans un duel intense et pourtant nuancé, car la mise en scène accroche et touche l’empathie là où le réalisateur adore en faire une obsession.
Adam Driver et Scarlett Johansson sont Charlie et Nicole, les deux sont indissociable jusqu’au drame que l’on explore avec tant de justesse qu’on ne peut les détester. Chacun à leur manière constitue un bon parent et se révèle complémentaire. Et c’est ce que démantèle petit à petit le film, ce couple idéal en un temps, mais qui ne parvient pas à trouver une solution pour se relever en toute harmonie. Pourtant, la particularité de cette dualité réside dans ce lien perceptible, malgré les disputes et les désaccords. Le divorce semble inévitable et c’est dans cette plongée dramatique qu’on va venir tirer des larmes et d’autres forces émotionnelles pour nous convaincre d’agir en amont. Le réalisateur partage ainsi une expérience qu’il a connu et Johansson surfe sur la même vague, avec plus de fraîcheur, faisant d’elle la principale des calamités du récit.
Nicole s’acharne à sortir de l’ombre de son mari sur le plan professionnel, mais l’artiste qui est en elle finit par prendre le dessus, là où elle se sent en danger et la moins forte mentalement. D’un autre côté, le récit nous place essentiellement derrière les remords de Charlie et sa vocation vouloir rester le paternel attentionné et amical en toute circonstance. C’est donc à l’ajout d’intrus qui répondent au nom d’avocats (Laura Dern et Ray Liotta), qu’on pimente cette relation qui se dégrade par ces intermédiaires, alors que les concernés sont plus sociables que ces chasseurs du meilleur ou du pire. La séparation à l’occidental est une facette déstabilisante, notamment au cœur d’un couple qui se partage un enfant qui ne réclame que ce qu’il souhaite par pulsion. Et dans cette distance et le manque d’écoute qui se fait sentir dans le montage et les plans soutenus, il est incroyable de constater à quel point l’authenticité de la chose nous saisit, sans même avoir goûter au plaisir de vivre en famille.
« Marriage Story » évoque un schéma recyclé maintes fois, notamment par Woody Allen, qui nous a même signé l’écho avec son dernier long-métrage « Un Jour de Pluie à New-York ». Mais ce dernier se démarque par sa puissance émotionnelle qu’on retrouve rarement dans une inspiration fictive. On y voit clairement le rejet de sentiments qui ont permis à un homme et une femme de s’aimer et de continuer à marcher dans la même direction. Baumbach frappe donc juste, même s’il aurait pu amputer des démonstrations burlesques qui s’étirent un peu trop pour qu’on se contente de relâcher la pression ou de tordre notre sympathie pour des personnages qui ont déjà tout gagné d’entrée.