En 2009, Alejandro Amenábar avait réussi à mettre en scène une page d’histoire se déroulant au IVème siècle à Alexandrie. Le film, ayant pour titre Agora, montrait avec intelligence et finesse les débats et les conflits d’une société multiculturelle, avec, d’un côté, la philosophe agnostique Hypathie et ses élèves et, de l’autre, le patriarche Cyrille et ses partisans, convaincus qu’il fallait chasser de la ville tous les Juifs. L’habileté dont avait fait preuve le cinéaste pour nous conter cette histoire des temps antiques, il ne la retrouve malheureusement pas aujourd’hui, alors qu’il revisite des faits historiques beaucoup plus récents.
Le film est bourré de bonnes intentions, c’est évident. En évoquant la prise de pouvoir du général Franco, Alejandro Amenábar incite à la vigilance, il met en garde contre la résurgence des mouvements fascistes dans l’Europe d’aujourd’hui. Il a raison de le faire, mais, du coup, il s’encombre d’un didactisme tel que son film ressemble à un cours d’histoire, à une leçon, qui ne laisse plus de place ni à l’émotion ni à l’imagination des spectateurs. Or, j’ai déjà eu maintes fois l’occasion de l’affirmer, quand les cinéastes veulent être trop exhaustifs, ils prennent le risque de susciter pas mal d’ennui. Et c’est bien ce qui se produit avec Lettre à Franco.
C’est d’autant plus regrettable que, pour raconter les débuts du fascisme en Espagne et les prémices de la dictature de Franco, le cinéaste a eu la bonne idée de convoquer une figure d’intellectuel controversée de cette époque : en l’occurrence, l’écrivain Miguel de Unamuno (1864-1936). Professeur à l’université de Salamanque, celui-ci commence par approuver les idées de Franco avant de se raviser de manière éclatante peu de temps avant sa mort, causée par une crise cardiaque.
Dans un premier temps, Miguel de Unamuno ressemble à nombre de ses compatriotes de cette époque : il est obsédé par la peur du communisme, il est persuadé, comme les fascistes, que tous les moyens sont bons pour contenir leur progression. Mais des évènements qui le touchent de près lui ouvrent, petit à petit, les yeux sur ce que sont réellement Franco et ses amis, dont le général José Millán-Astray, l’auteur du sinistre cri de ralliement « Viva la muerte ! », ainsi que l’évêque de Salamanque Enrique Piá y Deniel. Ses amis proches, en effet, sont arrêtés l’un après l’autre, en particulier un pasteur qui se trouve être aussi franc-maçon et un de ses étudiants qui professe des idées de gauche.
En fin de compte, alors qu’il avait décidé de ne pas prendre la parole, Miguel de Unamuno, au cours d’une assemblée fasciste, se lève et se dirige vers la tribune où il prononce un discours bref mais retentissant, dont on retient en particulier cette phrase : « Vous vaincrez mais ne convaincrez pas ».
Le film a indéniablement le grand mérite de mettre en lumière cet épisode et de faire retentir à nouveau les paroles susdites mais, je le répète, son didactisme ainsi que son académisme le desservent quelque peu. C’est dommage.