Que dire ? Avec l’âge, Bertrand Blier ne se bonifie pas mais selon mon point de vue, son verbe ne faiblit pas. Au-delà de sa griffe absurde, Bertrand Blier conserve le même langage, celui qui peut heurter, vulgaire connoté sexiste. Pour moi, je n’y vois aucune vulgarité, aucun sexisme. Les dialogues de Bertrand Blier traduisent ou illustrent les pensées de tout un chacun, ce qu’on ne peut pas dire ouvertement ou balancer même de manière exceptionnelle. Comme un lâcher-prise. De temps en temps dire crument les choses ne fait pas de vous un être vulgaire en temps ordinaire. Ça peut étonner les proches et l’entourage, exceptés ceux qui vous connaissent vraiment. Point d’hypocrisie ! Même les femmes peuvent tenir ce langage s’il est approprié à l’humeur du moment. On peut lire différemment « Convoi exceptionnel » : ça parle de mort, de laissés pour compte, d’amour amer et d’amour du cinéma. A bien y réfléchir nous avons tous un scénario écrit sans le savoir ; notre ligne de vie semble tracée, définie. Pour d’autres, c’est de l’improvisation comme le dit si bien « Taupin ». Nous en connaissons autour de nous des gens qui écrivent sans le savoir leur scénario : « un bon métier, un mariage, des enfants, des vacances, une bonne retraite ». Combien en avons-nous entendu dire ça ? Il suffit aussi de repasser ou se souvenir à la louche les témoignages de certains ouvriers victimes d’un plan social ; ils nous énumèrent leur passé : « Ici, c’est toute ma vie, j’ai connu ma femme, mes enfants sont nés ici, nous avons acheté notre pavillon, nous pensions vivre notre retraite et finir nos jours ici… » L’usine, synonyme de bien des souffrances parfois, et sur laquelle grand nombre d’ouvriers ont écrit des lignes et des lignes de scénario ! Et maintenant qu’il n’y a plus de scénario, alors qu’il y avait des lignes et des lignes écrites, que faire ? Désemparés, les ouvriers sont dans l’obligation d’improviser. L’improvisation touche beaucoup d’entre nous, le scénario s’écrit au fur et à mesure des rencontres, des chemins empruntés ; ce sont ces chemins maudits ou heureux qui nous dictent un scénario.Il est vrai aussi que si la chance finit par sourire, on se prend à écrire son avenir. L’amour s’écrit aussi comme il peut s’improviser. On s’invente des enfants qu’on n’a pas, des fantasmes divers. Voilà ce que nous dit en partie Bertrand Blier avec sa philosophie qui lui appartient. Il nous dit aussi que le coeur n’en fait qu’à sa tête, si les émotions s’emmêlent, les lignes écrites sont vaines. Alors oui, Bertrand Blier brasse des thèmes comme la mort, cette mort qui nous conduit nulle part. Il n’y a pas de terminus à ce thème. Et avec la magie du cinéma, il ne peut y avoir de terminus. Hommage au cinéma avec cette mort qui semble peut-être le hanter ; le cinéma plus fort que la vraie vie, le cinéma qui transcende la mort ou qui provoque la mort en lui disant qu’ici, au cinéma, on ne meurt jamais, on est immortel comme Mastroianni. Mastroianni et tous les noms avant et après lui. Et puis, grâce au cinéma, Marilyn Monroe ne vieillira jamais. Le cinéma de Bertrand Blier peut paraître inégal, il me laissera une oeuvre puissamment truculente ! J’ai lu que Bertrand Blier ne s’était pas rendu compte que son scénario était trop court, qu’il lui a fallu faire une rallonge. On a eu droit à un Depardieu improvisant une recette de poulet frit aux pommes de terre et à du lapin sauce vin rouge épaissi avec 4 carrés de chocolat ! Appétissant. Une mise en abîme ? Blier trop court, à court d’idée oblige Depardieu, comme Taupin, à improviser… J’espère que ce n’est pas prémonitoire : Blier aura encore des lignes de scénario à écrire et à nous (me) conter.