Vive la V.O.
L’homme qui réalise plus vite que son ombre ! Quand on pense que l’incroyable Kenneth Branagh a 6 films en attente de sortie !!! Avec ces 127 minutes adaptées d’Agatha Christie, - tout comme Le Crime de l’Orient Express en 2017 -, voici, une fois de plus, un polar de haut vol à déguster sans modération. Au cours d’une luxueuse croisière sur le Nil, ce qui devait être une lune de miel idyllique se conclut par la mort brutale de la jeune mariée. Ce crime sonne la fin des vacances pour le détective Hercule Poirot. A bord en tant que passager, il se voit confier l’enquête par le capitaine du bateau. Et dans cette sombre affaire d’amour obsessionnel aux conséquences meurtrières, ce ne sont pas les suspects qui manquent ! S’ensuivent une série de rebondissements et de retournements de situation qui, sur fond de paysages grandioses, vont peu à peu déstabiliser les certitudes de chacun jusqu’à l’incroyable dénouement ! C’est tortueux à souhait, mais quel régal !
D’abord au point de vue strictement cinématographique, c’est superbe. Les décors, les costumes, les cadrages, les lumières, le rythme… ça tutoie la perfection. L’histoire est alambiquée à souhait, les personnages parfaitement outrés, la solution – dévoilée comme il se doit dans une scène ultime traditionnelle à haute tension -, aussi embrouillée que tout le reste, mais qu’importe. Le plaisir est entier grâce à la réalisation virtuose, les dialogues ciselés et la musique de Patrick Doyle. Certes, on est en droit de ne pas aimer ce style ampoulé et artificiel, mais ceux qui n’aiment pas ne parviendront pas à en dégoûter les autres. Sans compter les ajouts « branaghiens » - si je puis me permettre -, qui tentent d’apporter une touche plus humaine au roi des détectives. Voir la 1ère scène dans les tranchées de la Grande Guerre du côté d’Ypres pour nous expliquer pourquoi Poirot arbore son incroyable moustache. Voir aussi la toute dernière où il tombe sous le charme du jazz et… de la chanteuse. Certains n’apprécieront sans doute pas ces « trahisons » par rapport à l’original, d’autres apprécieront l’invention permanente du réalisateur et de son scénariste.
Kenneth Branagh fait feu de tout bois. Devant et derrière la caméra, il pousse son amour du personnage jusqu’à lui faire parler l’anglais avec l’accent belge. Un délice qu’on ne peut évidemment savourer qu’en VO. Toute une constellation de stars gravite autour de lui, avec Gal Gadot, Emma Mackey, Armie Hammer, Annette Bening, Tom Bateman, Sophie Okonedo… et j’en oublie, tant il y en a, et montre la même gourmandise à cabotiner sans vergogne pour le plus grand plaisir de tous. Rendons aussi à Agatha ce qui lui appartient, tous ces personnages sont somptueusement décrits et caractérisés dans son roman. Les puristes regretteront les infidélités au roman original – ajout de personnages, disparition de tel autre – et donc, les tableaux de début et de fin du film. Mais ne boudons pas notre plaisir. Classique, efficace, luxueuse, furieusement old school, la croisière ne s’amuse pas, mais le spectateur si !