La première chose à dire sur « Mort sur le Nil », c’est que c’est une réalisation hyper professionnelle. Le film est produit avec tellement de luxe, de moyen et de savoir-faire que… ça fait presque trop ! On est parfois à la limite du tape-à-l’œil. La lumière est sublime, les paysages égyptiens sont éblouissants, probablement reconstitués en partie en image de synthèse, ils sont là pour fournir un écrin sublime à l’intrigue, et ça fonctionne pleinement. Que c’est beau de voir l’Egypte des années 1930, avant le déplacement d’Abou Simbel, avant le barrage d’Assouan, avant le tourisme de masse ! Kenneth Branagh, qui n’est pas le premier venu, s’amuse à multiplier les jolis plans, il joue avec (beaucoup) avec l’eau du Nil, sa faune, ses lumières, son clapotis. Vues aériennes ou au contraire sous-marines, travelling étourdissants, musique très bien utilisée, tout est hyper soigné, hyper produit pour en mettre plein la vue et les oreilles, et il serait malhonnête de dire que cela ne fonctionne pas, surtout sur grand écran. On est assez surpris par la longue scène pré-générique, qui ne semble avoir aucun rapport avec l’Egypte. Elle peut déconcerter, elle peut même déplaire car c’est une vraie digression et je ne sais pas trop si elle est évoquée par Agatha Christie elle-même, mais moi je l’aime bien, elle humanise Hercule Poirot, lui donne une vraie fragilité qui est la bienvenue. Faire d’Hercule Poirot un homme fragile, meurtris dans sa chair et son cœur, parfois au bord des larmes, c’est assez éloigné de l’idée qu’on se fait de lui. C’est visiblement quelque chose qui tenait à cœur à Kenneth Branagh et il compose un Poirot ma foi assez convaincant. Quand on voit le film en VOST, on est quand même amusé de le voir parler français dans la scène pré-générique et faire des efforts immenses et louables (mais vains !) pour masquer son accent british. Kenneth Branagh à beau faire, il n’est pas francophone de naissance et il a un accent à couper au couteau. Les spectateurs du monde entier ne verront rien à y redire, mais ici ça écorche les oreilles ! Autour de lui, une flopée de comédiens avec pêle-mêle Gal Gadot, Armie Hammer, Emma MacKey, Annette Benning, Tom Bateman, Jennifer Saunders et la délicieuse Rose Leslie (qui elle, pour le coup, parle un français impeccable !). A l’exception d’Armie Hammer, qui ne m’a pas vraiment convaincu en jeune marié fou d’amour, les autres font le job assez proprement. De tous, c’est probablement Emma MacKey qui tire le mieux son épingle du jeu en femme blessée et prête à tout pour reconquérir son fiancé perdu. L’intrigue, pour ce que j’en sais, est assez fidèle au roman de Christie et suit la trame assez habituelle de l’auteur : u
ne longue introduction (particulièrement longue ici), des détails ici et là en apparence sans importance mais qu’un spectateur averti aura noté dans un coin de son esprit, un huis-clos plus ou moins forcé, une multitude de suspects avec des secrets à cacher et une scène de révélation finale, qui est censée montrer à tout le monde, spectateurs inclus, l’étendue du pouvoir de déduction de redoutable détective.
Tout cela est scrupuleusement respecté, ça fait très « cahier des charges », mais c’est inévitable, c’est la colonne vertébrale des romans qui est ainsi faite. Si on ne connait pas le roman, ou si comme moi on ne s’en souvient pas très bien, est-ce qu’on marche dans l’intrigue ? Et bien oui, honnêtement, on suspecte tour à tour tout le monde, on fait des suppositions et on prend plaisir à se laisser surprendre. J’avoue que j’ai deviné le nœud de l’intrigue assez vite, mais c’était peut-être à cause de vagues souvenirs de la première adaptation. Le film, qui dure plus de 2h, passe tout seul. Le rythme, l’enchainement des évènements, la splendeur des images, le charme de la musique nous emmène au bout sans qu’on ait vu passer le temps. « Mort sur le Nil » est uns grosse superproduction très efficacement produite et réalisée avec un casting 3 étoiles, et ce serait dommage de bouder son plaisir. Ce n’est certes pas le film de l’année mais ce n’est pas non plus le plus mauvais.