L’origine de Je tremble, ô Matador, de Rodrigo Sepulveda, se trouve dans l’unique roman éponyme de l’écrivain et artiste LGBT chilien Pedro Lemebel, dont le titre fait référence à une célèbre chanson d’amour. Avant tout, le scénario tiré du livre a pour ambition de trouver un équilibre entre deux aspects qui ne se marient pas nécessairement bien ensemble, l’un sentimental, l’autre purement politique, eu égard au contexte de l’époque décrite, le Chili de Pinochet dans les années 80 et l’engagement de l’un des deux protagonistes principaux dans la lutte armée. Pour autant, la violence est souvent hors champ dans Je tremble, ô Matador, sans cesser cependant de créer une tension palpable, laquelle contribue sans doute au rapprochement affectif de deux hommes qui n’ont a priori rien en commun, mis à part la haine de l’injustice et de l’intolérance. Cette romance dans l’ombre, improbable, le réalisateur la rend crédible par sa mise en scène sensuelle et par l’usage d’un humour très caustique, du côté du travesti La Loca, qui est la manifestation ironique d’un personnage en marge et vieillissant qui choisit élégamment la dérision comme rempart au désespoir. Dans le rôle de Carlos, l’interprétation poignante du très grand Alfredo Castro touche au sublime. Son jeu, tout en nuances, évite la caricature de l’homo exubérant et excentrique, façon La cage aux folles, en incarnant un homme blessé et amoureux, dont l’humanité et la dignité ressortent et éclaboussent l’entièreté du film.