Coup d'essai prometteur du mexicain et ancien publicitaire Alejandro González Iñárritu, Amorres perros est un film choral sans la moindre concession quant à l'obscurité de la nature humaine. Il dénoue l'écheveau qu'il venait de tisser avec maîtrise et inventivité, tant au niveau narratif que technique. Le sens du montage qu'il affiche est impressionnant et sa mise en scène, trop variée pour qu'on puisse en dégager facilement une réelle tendance générale, saisit à merveille la pluralité humaine. La précision technique amène à se demander comment Amorres perros peut-être un premier long-métrage, bien qu'on puisse quand même regretter la photographie, et son aspect un peu bêtement glauque, qui rend peut-être l'univers sombre et sans espoir, mais de façon un peu facile et trop superficielle. Ce que j'ai adoré, cependant, en plus d'une première partie qui laissait presque présager d'un chef-d'oeuvre, c'est la justesse avec laquelle Iñárritu dévoile comment un événement peut bouleverser plusieurs existences (thème du triptyque formé par Amorres perros avec 21 Grams et Babel) et surtout, en abolissant l'éventuelle présence de ponts entre les histoires des différents protagonistes, nous rappelle combien nous fermons si facilement les yeux aux répercussions des interactions que nous partageons avec d'autres, dans un égocentrisme forcené. Désespérant. On peut toutefois s'agacer (et ça a été mon cas) d'une vision des choses qui manque de finesse, trop définitive, trop appuyée, et cela m'étonne que le film m'ait amené à dire une telle chose car je suis en général très friand des drames noirs et sans demi-mesure. Mais nuancer, sans forcément vouloir atténuer, signifie aussi gagner en complexité d'analyse, et s'y refuser c'est générer un produit qui manque d'humanité. On peut également s'irriter de l'absence d'explication de certains choix des personnages, qui, explicités, auraient éventuellement pu encore faire gagner au film en épaisseur, même si cela renforce la vision individualiste que dégage le récit. Mais surtout, je tiens à souligner les carences en terme de jeu d'une grosse partie du casting, qui sapent considérablement l'impact du film. Souvent poignant, très maîtrisé mais pas forcément à mon goût, Amorres perros reste marquant et porte réellement le sceau d'un cinéma de qualité. D'autant que je ne pourrai le juger totalement qu'après avoir pu voir 21 Grams et Babel, ses deux pendants américains qui poursuivent et clôturent le triptyque inaugural d'une carrière prometteuse. Mitigé, mais je conseille.