Dans le macrocosme super-héroïque, Sony Pictures se distingue depuis quelques années par sa constance dans la nullité. Les deux premiers Venom font figure d'authentiques ratages à la hauteur d'un Batman & Robin, et le bilan se ternit encore plus si on y ajoute l'affligeant Spider-Man : No Way Home (en copoduction avec Marvel Studios). Mais comme souvent, la logique du Box-Office est sans appel : peu importe que la qualité plonge, le bassin de spectateurs est loin de se tarir. Après le symbiote venu d'ailleurs, faisons appel à un autre protagoniste de l'univers Amazing Spider-Man j'ai nommé Morbius.
Pour les amateurs de plaisirs déviants, le long-métrage de Daniel Espinosa devrait étancher leur soif de souffrance. Il n'est pas loin de faire jeu égal avec la franchise mettant en vedette Tom Hardy tant l'absence d'investissement crève les yeux. Il ne suffisait pas d'avoir une origin story faiblarde, il fallait en plus que sa structure même soit anémiée. J'en veux pour preuve son ouverture incompréhensible, qui insère un flashback après l'introduction du fameux docteur Michael Morbius alors que l'inverse aurait été bien plus pertinent. Pire, ce retour en arrière en montage parallèle est tellement mal fichu qu'on ne peut accorder aucune crédibilité à cette amitié entre le héros et son futur adversaire. Cinq minutes et c'est déjà bien mal parti. Fort heureusement, la suite entend conserver le même niveau...
Let There Be Carnage semblait motivé par le geste suicidaire, Morbius relève lui du renoncement total à la mise en scène. Sans une once de motivation, Espinosa recycle l'effet bullet-time dans un maelstrom d'effets numériques médiocres et dépourvu de la moindre violence. À tel point que cela en devient comique, notamment quand les figurants sacrifiés se font trancher la carotide sans perdre une seule goutte de sang. La mise en scène n'essaie même pas de tirer quelque chose des lieux sélectionnés pour les "moments forts", terriblement quelconques (un labo, un couloir d'hosto, un métro et un égout). N'oublions pas les personnages secondaires, tellement maltraités qu'on en a de la peine pour eux. Adria Arjona n'a rien à défendre, Jared Harris apparait et disparait pendant une heure (il faudra d'ailleurs qu'il partage sa recette du comment ne pas vieillir en 25 ans). Mais le pire est atteint avec le duo de policiers dont l'utilité est proche du néant absolu, servi par un Tyrese Gibson en état de mort cérébrale et au centre de plusieurs énormes incohérences du script. Ne parlons même pas des scènes post-génériques, aussi stupides que celles des derniers Venom ou Spider-Man (performance impensable). C'est un peu l'idée : un film sans vie ou si peu.
Car oui, il faut le signaler, Jared Leto a remisé son goût pour les performances hors-catégories et se montre plutôt convaincant en vampire malgré lui. Le petit plaisir viendra pourtant de Matt Smith, apparemment ravi de se lâcher un peu en Loxias "Milo" Crown. Le temps de quelques séquences, le comédien injecte un peu de fantaisie. Histoire de rappeler que rien de tout cela n'est bien sérieux ou important. Et il a bien raison. D'humeur masochiste, on pourra au moins reconnaître la cohérence de cet énième accident industriel et s'amuser de sa profonde ringardise ou de la misère scénaristique. Un néant qui touche également l'impersonnelle bande-originale et jusqu'au générique qu'on croirait inspiré des écrans de veille Windows. C'est peut-être là que Sony Pictures trouve sa personnalité finalement : non dans l'opportunisme rance qui fait les beaux jours du MCU, mais dans son obsolescence instantanée.