Pendant la première moitié du 20ème siècle, Charlie Chaplin nous a régalés de ses pitreries facétieuses. Durant la seconde moitié du 20ème siècle, nous avons eu Jacques Tati, mais avec une carrière cinématographique nettement moins volumineuse que le clochard le plus célèbre du monde. L’œuvre s’inspire donc largement des films muets à la Charlie Chaplin ou encore à la Buster Keaton en intégrant un support musical largement employé, tout en laissant la place aux dialogues volontairement quasi inaudibles mais savamment distillés, tout cela au rythme de gags qui fusent en tous sens. Tourné à la fois en couleurs et en noir et blanc (une première en France), voici une œuvre majeure de Jacques Tati, excellent dans sa tournée du facteur. D’ailleurs, faute de moyens du côté des producteurs à l’époque, la version couleur ne sortira qu’en 1995, une fois restaurée. On découvre alors le village de Sainte-Sévère-sur-Indre (Follainville dans le film) dans le département de la Charente, que le cinéaste connait bien puisqu’il a dû y rester caché durant plusieurs mois lors de la Seconde Guerre Mondiale. Il a même fait participer les véritables habitants du village pour œuvrer sa première réalisation (tout du moins question long métrage), faute de moyens financiers après le bilan désastreux du conflit fraichement terminé, ce qui a le don de renforcer l’authenticité, tout en nous plongeant davantage dans la France profonde. C’est la seconde fois que Jacques Tati endosse le costume de François le facteur, après le succès du moyen-métrage "L’école des facteurs", dont le succès lui a donné envie de recommencer. Et je dis qu’il a bien fait ! Il n’y a qu’à voir : combien de générations ce film a déjà traversé et va encore traverser ? Essayez vous-même en famille, du plus jeune au plus v… euuuuh disons au moins jeune (c’est plus correct hihihi), et visionnez le film sans trop réfléchir, ce qui devrait transformer votre soirée en "jour de fête". Il ne faut pas perdre de vue que le film a plus d’un demi-siècle, que nous sommes entre Charlot et Louis de Funès, alors oui l’humour peut paraitre désuet, sur un scénario pouvant être résumé à sa plus simple expression (tout comme les Charlie Chaplin du reste). Mais que ça fleure bon l’humour d’antan, simple, sans chichis, un chouia teinté de caricature pour dénoncer le risque de perte de l’identité française (sujet toujours d’actualité), et démontrer le ridicule de l’américanisme : entre "vindju", et autres onomatopées que nous n’entendons malheureusement plus de nos jours, vous allez voir que ça, "ben çà, cé quéqu’choze" ! Plus qu’une chose, plus qu’un film, c’est un chef-d’œuvre ! De plus je n’ai plus qu’une envie : faire du vélo à… "l’américaine" !