Chinatown... Pourquoi ai-je mis si longtemps avant de le voir ? C'est comme si quelque chose m'avait perturbé avec le titre de ce film, comme si je pressentais qu'il ne dévoilait pas assez de l'intrigue... Et c'est bien le cas, car de Chinatown, nous n'en avons qu'une image du passé. Dans ce film, l'action ne s'y déroule pas vraiment, hormis dans l'esprit de Gittes, toujours hanté par certains souvenirs douloureux qu'il préfère taire. Alors, bien sûr, comme ce n'est pas un film comme les autres (c'est un chef d'oeuvre),
c'est à Chinatown que tout finit... mal. Une fin des plus intelligentes, frustrante de bien de manières, mais remarquable
. Partant sur une simple histoire de tromperie, à laquelle notre héros est habitué car constituant son pain quotidien, nous découvrons progressivement que la nouvelle affaire dont il a la charge dépasse largement ce à quoi il pouvait s'attendre (et nous aussi).
Le complot est total, et des gros sous sont naturellement en jeu
. L'histoire nous perd... puis on nous récupère... tout le temps ! Tout est prévu pour que le spectateur ne s'ennuie jamais, de révélation en révélation. Il faut dire que les acteurs jouent particulièrement bien leur rôle (et ne déméritent certainement pas leurs nominations aux oscars). Ils nous font vivre le mystère comme rarement cela s'est vu dans un film noir. Les codes sont parfaitement respectés, l'enquête est menée bon train par
un héros qui ne tient jamais une arme - sans doute parce qu'il préfère tourner le dos à ces conneries -, à cette politique du "moins possible" qui, on le suppose, a coûté la vie d'une amante lors de son précédent office à Chinatown. Cela explique alors son impuissance lorsque Evelyn se fait tuer devant lui, et que le complot qu'il s'était efforcé de dévoiler lui échappe totalement. Il se souvient alors qu'on est tout petit, flic ou pas flic, face au crime
. Aussi, je n'ai pu m'empêcher de penser au Parrain en voyant Chinatown. D'abord, parce que je l'ai vu la même semaine (et pour la première fois). Ensuite,
parce que la scène d'introduction y ressemble beaucoup. Il s'agit ici d'introduire le personnage principal (Gittes/Vito Corleone), et de montrer ce qu'il fait de ses journées en exposant une affaire particulière avec un "client". Puis, plus tard dans le film, nous avons droit à un même rappel de cette scène d'introduction, où Gittes rappelle à Curly (Burt Young) la dette contractée en avant-propos pour lui venir en aide. Comme dans le Parrain, lorsque Don Corleone fait appel à Amerigo Bonasera (Salvatore Corsitto) en vue d'embaumer de la plus belle de manière le corps de son fils récemment troué de balles
. Sans doute je pousse la comparaison un peu loin, mais ce n'est qu'un compliment de plus... Chinatown est un film extraordinaire, de ceux que je souhaite voir et revoir encore jusqu'à plus soif, parce que c'est bien écrit, parce que c'est bien joué, parce que c'est bien filmé, parce que oui vraiment, on ne se fout pas de nous là ! C'est du bon boulot les mecs, et je vous félicite et vous remercie avec 40 ans de retard !