Théorie raciste, système politique, l’apartheid en Afrique du Sud était aussi un régime juridique qui classait la population en trois catégories : les Blancs, les métis et les Noirs. Né en 1896, fils d’un père métis et d’une mère blanche d’origine suédoise, Robert a combattu en France pendant la Première Guerre mondiale. Il en est revenu avec une Française dont il a eu plusieurs enfants. En 1948, lorsque l’apartheid est instauré, sa femme et ses enfants sont considérés comme Blancs, mais Robert est « déclassé ». Son nouveau statut social le marginalise. Relégué dans un ghetto noir, renié par sa propre famille, il trouve auprès de Doris, une femme noire, un nouveau foyer.
Yolande Zauberman, alors jeune documentariste, le rencontre début 1987 dans les faubourgs de Cape Town et, bravant la réglementation qui le lui interdisait, le filme clandestinement.
"Classified People" ressort sur les écrans plus de trente ans après son tournage. C’est un témoignage sidérant sur un régime honni et disparu. Les délires racistes de l’apartheid trouvaient dans la classification des populations leurs limites. Fondé sur le postulat de la pluralité des races et de leurs différences insurmontables, il ne savait comment classer les populations métisses, preuves vivantes de l’imbrication des races et de l’impossibilité de les délimiter nettement.
Robert est un personnage particulièrement attachant. En 1987, il a dépassé les quatre-vingt-dix ans, mais a gardé toute sa tête et toute son ironie. Son élocution est parfaite, son humour intact. Il porte sur sa vie et sur le stigma qui l’a marqué à jamais un regard plein de philosophie. Pourtant les scènes de repas avec ses deux fils, exemples caricaturaux de la beaufitude boer raciste, auraient de quoi le rendre amer. Mais, comme Mandela quand il aura été libéré, il préfère le pardon à la rancœur. Auprès de lui, Doris, que ses beaux-fils stigmatisent, entoure Robert de son amour chaleureux.
Moyen-métrage d’une cinquantaine de minutes, "Classified People" rend compte de la violence et de l’absurdité de l’apartheid en faisant le portrait attachant d’un couple aimant.