C’est un film délicieusement amoral et à l’érotisme tout aussi subtil que troublant que nous offre Lou Jeunet pour son premier long métrage…Déjà en soi, l’affiche du film est plus que suggestive…Lou Jeunet assistée de Raphaëlle Desplechin adapte avec quelques libertés la passion adultère entre Marie de Heredia et Pierre Louÿs…Marie de Heredia est l’un des trois filles de José Maria de Heredia, ce grand poète de la fin du XIX ème siècle…à qui nous devons entres autres Les Conquérants « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal… » souvenirs de nos années d’école primaire…Hélas José Maria de Heredia est un panier percé…sa femme Louise veille au grain et en bonne chasseuse de dot , « vend » sans complexe sa fille Marie à Henri de Régnier (interprété par l’impeccable Benjamin Lavernhe à l’abnégation touchante), autre poète , fortuné… un peu collé monté au sens propre et au sens figuré , , un bourgeois honnête et droit, dépourvu de toute fantaisie mais conforme à leur rang et qui accepte d’éponger les dettes de son beau-père…Ce mariage est loin d’être heureux, car à peine deux ans après son mariage, Marie entretient une relation régulière avec Pierre Louÿs , poète et romancier, érotomane et grand voyageur, l’un des meilleurs amis d’Henri de Régnier, auteur entre autres de La femme et le Pantin , (qui figura parmi les tous premiers livres de poche…et lecture plus ou moins clandestine au lycée) …et qui inspira plusieurs réalisateurs, comme Joseph Von Sternberg, Julien Duvivier ou Luis Buñuel… . C’est avec lui que Marie va vivre une initiation à l’amour et à l’érotisme à travers la liaison photographique et littéraire qu’ils s’inventent ensemble…Pierre Louÿs a découvert la photographie alors naissante et entre le pygmalion et la fausse oie blanche nait une relation perverse, autour de la photographie et des séances de pose suggestives que les deux amants organisent...mais pour Pierre, les femmes ne sont que des objets qu’il collectionne et dont il consigne les performances dans un cahier qu’il est fier d’exhiber à ses amis, ....Si Marie de Régnier apprend avec Pierre Louÿs le plaisir, le désir, le feu, elle apprend aussi la liberté. Et le récit biographique entrepris par Lou Jeunet s’émancipe lui aussi progressivement du triangle amoureux, classique, pour devenir le récit d’émancipation précoce d’une jeune femme qui s’affranchit des règles par une passion initiatique. Noémie Merlant, dans ce rôle, irradie, voluptueuse, troublante et audacieuse. Elle ne s’exhibe pas, elle se met à nu dans la plénitude de la jeunesse de son corps. Curiosa est un premier film joliment sensuel, d’amour, de chair
et de cul
, qui déshabille avec audace ses jeunes actrices, jusqu’à la chanteuse Camélia Jordana, dans le rôle d’une prostituée algérienne aux courbes de généreuse odalisque. Lou Jeunet redonne vie aux photographies empruntées à l’album de ce collectionneur fétichiste qu’était Pierre Louÿs, fasciné et obsédé
par le cul de la femme
…. Une reconstitution d’époque soignée, et un jeu érotique subtil, passant par la photo et la littérature… dans une recherche plastique constante. Jeu sur les cadres, les textures (de la peau, des étoffes, du mobilier...), le son, tout y passe, quitte à parfois tomber dans une certaine préciosité. On ne se plaindra pas de cette envie d’images et de beau…