Si je ne mets "que" trois étoiles à ce film généreux, c'est surtout en raison de la frustration, voire du scepticisme que j'ai ressenti en tant que vieux cavalier, lors des séquences traitant du travail des chevaux. Le film aborde le parcours de réhabilitation de prisonniers difficiles au Nevada par des contacts de travail avec des chevaux sauvages, et focalise sur le lien qui se tisse entre Roman (M.Schoenhaert, magnifique de retenue) et le cheval qu'on le charge de "dresser", cheval qu'il nomme Marquis et qui va lui faire tant de bien, en le conduisant vers la découverte du contrôle de soi, en l'acceptant comme complice dominant... Certes, le film adopte un parti-pris de sobriété narrative, comme en témoigne une forte scène de règlement de compte entre Roman et son co-détenu (on ne sait pas ce que devient ce dernier et peu importe, pour le coup l'ellipse me paraît juste). Mais pour ce qui concerne la progression rapide de l'entente entre Roman et "son" Marquis, l'influence de Redford (car oui, Redford apparaît au générique, lui qui avait pris tout son temps pour nous détailler le lent cheminement de la confiance quand il murmurait à l'oreille d'un cheval traumatisé) ne se voit pas, c'est le moins qu'on puisse dire ! Et cette rapidité de la progression m'a semblé d'autant plus invraisemblable que Roman n'avait jamais mis les fesses sur une selle, nous dit le scénario, ni approché les chevaux avant d'intégrer le programme... La scène de la première séance de travail monté, dans laquelle ce grand costaud de Schoenhaert peine à trouver son équilibre même au pas, est tout sauf crédible. Pour qui a déjà pratiqué des débourrages elle confine même au ridicule, à la supercherie, car un cheval "neuf" ne tolère pas ce genre de maladresses. Les brusqueries, même involontaires, sont pour le jeune cheval des agressions, surtout si elles s'accompagnent de chocs sur le dos et d'agitation dans son champ de vision arrière, toutes choses qu'il peut ressentir comme l'attaque d'un prédateur, tous incidents auxquels il ne manquera pas de réagir violemment s'il a, comme on dit, "un peu de sang"... C'est dommage car pour le reste (l'essentiel du film en fait), à savoir le cheminement intérieur d'un homme torturé, fermé à double tour, vers un peu de lâcher-prise, vers un début d'ouverture à l'amour, le film fonctionne avec finesse. Bruce Dern vaut d'ailleurs le détour en vieux cow-boy revenu de tout, superviseur du programme équestre, bourru débourreur d'hommes autant que de broncos. Bref, ce film m'a touché, mais en tant que cavalier presque agacé parfois, et sûrement pas en tous cas dévasté, comme avait pu le faire "The rider", un film humainement déchirant lui aussi mais parfaitement crédible, quant à lui, sur le plan équestre...