Sujet important que l'illettrisme, traité ici avec pudeur et sensibilité par Jean-Pierre Améris, dont la carrière m'avait pourtant peu convaincu jusqu'ici. Si formellement le téléfilm se démarque peu, on ne peut que louer l'intelligence du scénario, l'habileté des situations, la volonté d'écrire des personnages de qualité, souvent complexes, ne cherchant jamais la facilité, à l'image d'un héros que l'on ne cherche surtout pas à idéaliser. Il y a quelque chose de vraiment touchant à travers ce portrait, notamment dans la description du quotidien, où l'on se rend compte à quel point ne pas savoir lire pose des difficultés constamment insurmontables (courses, orientation, consignes de sécurité, choix au restaurant... en gros, à part regarder les informations, voir des films (en français) et vous faire à manger lorsque les ingrédients sont déjà là (et encore, si vous savez précisément ce qu'il faut faire), vous ne pouvez pas faire grand-chose, vous plaçant inévitablement dans une situation d'isolement. Les autres protagonistes ne sont pas ignorés pour autant, que ce soit dans la relation qu'il entretient avec la (très) belle Sabrina Ouazani ou sa grand-mère, jouée par une touchante Annie Cordy. Le voir ainsi évoluer, parfois mal se comporter, utiliser des mots très durs est également une subtile façon de ne pas traiter la question avec facilité, n'hésitant pas non plus à montrer le blocage « psychologique » dont il semble souffrir pour apprendre à lire. Pas de solution miracle pour y parvenir :
du travail, de l'investissement et des professionnels pour vous encadrer
. Si le dernier tiers est logiquement moins captivant, car ne suivant plus le jeune homme dans ses difficultés quotidiennes, on reste jusqu'au bout réceptif à ce parcours, pensé avec beaucoup de soin et joliment incarné par Kevin Azaïs : une réussite.