Jiri Menzel, le cinéaste tchèque le plus connu dans le monde grâce à son Oscar du meilleur film étranger pour «Ostre sledované vlaky», réalise avec «Vesnicko mà strediskovà» (Tchecoslovaquie, 1985) un hommage au burlesque, à Laurel et Hardy dans le cadre frêle d’un village agreste des campagnes tchèques. Du duo comique fondé par Laurel et Hardy, Menzel reprend l’association de deux hommes dissemblables physiquement (l’un gros et l’autre petit) qui entretiennent une relation amicale conflictuelle. Construit sur ces deux personnages, Menzel agrémente le récit d’autres chroniques basées sur le quotidien absurde des habitants du village. Le film peut se concevoir comme une succession de scènes cocasses. Ce procédé narratif a ses limites, celles de ne couvrir aucune intrigue générale, de ne révéler aucune optique singulière sur le monde. Mais chacune des séquences répond au même sens de l’humour, à la même particularité burlesque, témoigne d’un sens cohérent de la comédie. Ce burlesque tchèque a d’intéressant qu’il n’est pas exposé avec autant d’ostentation que pouvait l’être celui de Chaplin, de Keaton ou de Lloyd. Menzel, plus que de s’inspirer de Laurel et Hardy, côtoie la bonhomie absurde de W.C.Field. Comme ce comique ivrogne, les personnages de «Vesnicko mà strediskovà» agissent avec une parfaite indifférence. Quand le personnage de Janos Ban, plongé dans la musique de ses écouteurs, se fait ensevelir, sans prendre garde, par un amoncellement de sable déversé d’un camion, c’est avec l’innocence de Field ou de Laurel qu’il agit avec étonnement. L’influence du comique américain dans le cinéma tchèque des années 80 prouve l’efficace universalité du système créatif hollywoodien. Toutefois, le film n’est pas soumis à l’humour hollywoodien, il se compose davantage de cette absurdité latente qui caractérise les récits d’Europe de l’Est. Jiri Sust, musicien du film, accompagne cet humour d’un thème allègre, aussi récurrent que les mélodies saugrenues des épopées de Brecht.