Bohemian Rhapsody en 2018, Rocketman en 2019, le genre cinématographique du biopic musical s’est rarement aussi bien porté qu’en cette fin de décennie. Et c’est dans ce contexte prolifique que la 20th Century Fox avance à son tour son propre pion : Judy, basé sur l’histoire de l’actrice Judy Garland, devenue une véritable vedette internationale suite à son rôle principal dans Le Magicien d’Oz, à l’âge de 17 ans.
Adaptation de la comédie musicale The End of Rainbow, ce long-métrage biographique et musical fait parler de lui dès la fin d’année 2017, avec la confirmation de Renée Zellweger dans le rôle titre. Initialement, les producteurs du film pensaient à Anne Hathaway, mais le réalisateur Rupert Goold, davantage connu pour son implication dans le monde du théâtre que pour sa maigre carrière cinématographique, lui préféra la star du Journal de Bridget Jones. Liza Minnelli, la fille de Judy Garland, n’a jamais donné son accord pour le film, réticente à l’idée de voir Zellweger dans la peau de sa mère, bien que l’actrice ait déjà joué dans un film biographique, Miss Potter (2006), et qu’elle ait été nominée aux Oscars pour son rôle dans le film musical Chicago (2002). Le tournage débute en 2018, dans des studios de Londres.
Vedette au crépuscule de sa carrière, à la santé en berne et qui bataille financièrement pour conserver la garde de ses enfants, Judy Garland n’est plus que l’ombre d’elle-même, égarée et affaiblie au cours des derniers mois de sa vie, durant l’hiver 1968. Par le biais d’allers-retours entre le passé et le présent, le film identifie plusieurs causes : l’alcoolisme, mais aussi la discipline de fer du producteur Louis B. Mayer pendant l’adolescence de l’actrice. Il présente également le portrait d’une femme combative et gourmande, de nourriture et de vie. Mais au fond, la plus grande addiction de l’actrice, c’est l’amour du public, pour lequel elle fait des efforts considérables.
Le biopic est un genre cinématographique très délicat à aborder, et bascule souvent dans une forme d’académisme et de prévisibilité. Et Judy n’échappe malheureusement pas à ce constat. Conventionnel, très lisse et politiquement correct, Rupert Goold ne prend aucun risque dans sa réalisation, et on comprend vite que ce film est taillé pour les Oscars. Si le réalisateur parvient à faire passer au spectateur le message d’une vie gâchée par les studios hollywoodiens, le passé de Judy Garland est trop peu évoqué (environ 15 minutes sur les deux heures totales).
Ce biopic ne passe donc pas à côté d’un certain nombre de conventions qui, inexorablement, conduisent à son affadissement. C’est que ce cadre cadenassé du biopic musical implique de brosser un portrait en couvrant un ensemble de facettes, pour servir une performance d’acteur. Judy est donc à tout la fois une adulte broyée par son enfance, une mère courage mais désorganisée, une amante trop peu méfiante et donc blessée, ou encore une diva condamnée à vivre dans un état de semi-solitude.
Renée Zellweger s’en donne à cœur joie dans un numéro de lèvres plissées, de sourires semi-forcés et de poussées d’enthousiasme adolescent, mais son jeu hyper maniéré, quasi monstrueux avec ses mimiques incessantes, participe de l’échec du film. Malgré cette interprétation plus que mitigée, l’actrice reçoit l’Oscar de la meilleure actrice.
Sans innovation, lisse et conventionnel, Judy offre un bilan plus que moyen, plombé par l’interprétation surfaite de Zellweger et une absence totale de prise de risques dans la mise en scène. Divertissant, mais ni marquant, ni émouvant.