Deux documentaristes polonais ont voulu consacrer un film à Roman Polanski. En accord avec lui, ils ont opté pour un format original. Ils l’ont filmé arpentant les rues de Cracovie, la ville où il a passé son enfance. Et ils ne l’ont pas filmé seul, mais en compagnie de Ryszard Horowitz, un ami d’enfance qui est devenu un photographe américain célèbre.
Ce documentaire a fait polémique à sa sortie comme tout ce qui est associé de près comme de loin à Polanski depuis que les égéries féministes de #MeToo, Adèle Haenel en tête, en ont fait leur bouc émissaire. Ceux qui prennent la défense de Polanski se sont insurgés qu’il soit si mal distribué. Ils ont pris prétexte de sa déprogrammation dans une salle rouennaise pour crier à la censure. Or, personne n’a appelé à censurer "Promenade à Cracovie" – même si certains l’exercent de façon détournée sur le mode : « Je ne souhaite pas voir ce film qui met en vedette un homme toxique accusé de viol, mais je laisse chacun libre de le faire s’il le souhaite ».
Si l’on essaie d’oublier cette vaine polémique et si l’on s’intéresse uniquement à ce documentaire, que peut-on en dire ?
Ce qui m’a le plus marqué est bien trivial : c’est l’incroyable forme physique de Polanski qui fêtera ses quatre-vingts-dix ans le mois prochain et qui gambade insolemment en jeans et baskets, sans l’aide d’une canne, sur les pavés disjoints de la vieille ville de Cracovie. Même si son visage est raviné de rides, j’aimerais bien avoir sa femme à son âge !
La vie de Polanski pourrait faire l’objet dun biopic …. que dis-je ?… d’une série, tant elle est riche en rebondissements : la petite enfance à Cracovie, le ghetto, la mort de la mère, gazée à Auschwitz, le retour miraculeux du père, survivant de Mauthausen, la formation à l’Ecole de cinéma de Łódź, les premiers succès, le départ à Paris, puis à Londres, la consécration hollywoodienne, l’assassinat ignoble de Sharon Tate, enceinte de huit mois de leur enfant, les accusations de viol en 1977 sur Samantha Gailey, son installation définitive à Paris, ses innombrables distinctions et surtout ses chefs d’oeuvre : "Rosemary’s Baby", "Tess", "Le Pianiste", "J’accuse"…
"Promenade à Cracovie" (intitulé en anglais "Hometown") choisit de se concentrer sur l’enfance du jeune Roman. Pourquoi pas ? Elle est suffisamment riche, suffisamment dramatique pour nourrir un film. Le problème est que le procédé utilisé – la déambulation dans les rues de Cracovie où les deux protagonistes partent à la recherche des lieux de leur enfance et, quand ils les retrouvent, ne peuvent guère faire que le constat de leur altération – tourne à vide. On dirait parfois un long clip vidéo réalisé par l’Office de tourisme de Cracovie.