La Femme est un thème fondamental chez Luc Besson, considéré qu'on l'aime ou non comme le symbole du cinéma français contemporain. Il nous l'avait déjà montré à travers l'hystérique "Nikita" (1990) campée par Anne Parillaud, "Jeanne d'Arc" (1999) remise au goût du jour par Milla Jovovich, aussi nerveuse qu'impitoyable, la passable adaptation de la bande dessinée "Adèle Blanc-Sec" (2010) avec Louise Bourgoin et sans oublier le controversé "Lucy" (2014), habitée par la sex-symbol Scarlett Johansson. Sasha Luss, héroïne de ce nouveau bébé qu'est "Anna", a-t-elle l'étoffe d'un pur personnage bessonnien du haut de sa très courte carrière cinématographique ? Elle y incarne un personnage dont la complexité est le thème phare de l'histoire. Tantôt vendeuse de poupées russes sur la Place rouge de Moscou, tantôt agent secret, tantôt mannequin ou redoutable joueuse d'échec, Anna est une femme difficile à cerner: une véritable Matriochka. Au cours de ce film d'action au concept narratif ingénieux et à la mise en scène dynamique, Anna va être confrontée aux exigences de sa patronne Olga (Helen Mirren), femme d'expérience impitoyable, aux désirs luxurieux qu'elle inspire aux hommes...
et même à une femme ! ;)
...et aux risques du métier de mannequin, dans la mesure où ses différentes facettes lui valent de travailler à temps plein. Jusqu'à quel point Anna pourra-t-elle surmonter cette sextuple vie ? Besson nous présente le parcours d'une femme en quête de liberté au travers d'un dispositif narratif original mais souvent maladroit. En effet, le film abuse de mises en abîme et de flashback à outrance. Si les uns sont surprenants sur le champ mais demeurent oubliables, les autres ont tendance à complexifier le fil de l'histoire entre les différentes périodes du récit. Je pense que si Besson en tant que scénariste s'était limité à une ou deux mises en abîme "3 ans / mois plus tôt / plus tard...", le film aurait été clairement plus agréable à regarder et les enjeux mieux explicités. Sûrement à défaut d'avoir un montage soigné. En revanche, le film gagne beaucoup de points sur la mise en scène des séquences, littéralement pensée comme une Matriochka ! A mi-chemin entre ledit "Nikita", "Jackie Brown" et "Ocean Eleven", l'éclectisme du personnage d'Anna brille de mille feux à travers des séquences d'action soignées et purement dynamiques, entrecoupées de séquences plus lentes mais aussi de quelques temps morts. De plus, le film parvient à traiter son sujet sans abus, que ce soit en terme d'humour et de messages féministes. L'ensemble est favorable à une réflexion astucieuse de l'Acteur au Cinéma qui, au même titre que le personnage féminin principal, en voit de toutes les couleurs chaque jour
Certaines séquences demeurent inattendues puisqu'elles apparaissent inopinément, tels que la fusillade du restaurant, meilleure scène d'action du film rappelant vaguement "John Wick" et "Kingsman".
Besson rend le film agréable à regarder grâce à la variété des décors, nous embarquant de Paris à Moscou en passant par New York. Peut-être que certains lieux auraient mérité d'être un peu plus visités (certains cadres spatiaux demeurent peu exploitées et ne donnent pas nécessairement un sentiment d'utilité). De même, les relations humaines sont complètement survoltées: Anna a plusieurs amours (hétérosexuelles et lesbiennes), et aurait mérité un développement plus approfondi de ses relations, par exemple en montrant en quoi elles impactent sa vie. La musique d'Eric Serra, toujours de qualité, rendra quant à elle nostalgique ceux qui ont grandi comme moi avec des films tels que "Le Cinquième élément" et c'est positif de voir que la qualité de ses compositions est statique... Sur-ce, nous aurions pu nous attendre à une daube bessonienne ultime avec "Anna" mais sans transcender ni le genre ni les codes habituels du réalisateur, il est bon d'avouer que ce film d'espionnage et d'action nous met littéralement échec et mat sur ce coup. En dépit d'un scénario momentanément confus voire quasi-absent, le film brille grâce à ses scènes d'action musclées et sa mise en scène soignée, faisant voyager le spectateur aux quatre coins du monde. Maintenant qu'EuropaCorp a mis la clé sous le verrou, nous ne pouvons qu'espérer la prise d'un nouveau départ pour Luc Besson, afin qu'il nous propose de nouveaux projets des plus innovants que nous pourrions ranger aux côtés de "Subway" ou "Léon", pour ne citer qu'eux !