Pour son nouveau film, Fred Cavayé, réalisateur du haletant Pour elle et du bancal A bout portant, nous embarque dans un dîner entre amis. En huit-clos, sans aucun souhait de nous rendre claustrophobes, il va s'attarder sur la vie de ces couples de quarantenaires, où plutôt sur l'interface de leur vie, à travers le prisme d'un outils technologique qui a pris bien plus de place qu'il ne le devrait : LE...
Smartphone.
Le jeu n'est autre que celui, un brin masochiste, auquel ces amis vont se livrer. Toutes les interactions avec leur téléphone seront, pour cette nuit d'éclipse, partagées. Chaque mail, chaque message sera lu à voix haute. Chaque appel se fera sur haut parleur. C'est l'abolition de l'intimité sans fil, du jardin secret 2.0. Et on s'en doute, avec un prix à payer bien plus élevé qu'une heure de hors forfait depuis le Maroc.
Derrière la caméra, on retrouve aussi bien des têtes bien installées (Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Bérénice Béjo) que des plus rares mais néanmoins talentueuses (Suzanne Clément, Stéphane De Groodt, Grégory Gadebois). Ce sera d'ailleurs d'eux que viendront les meilleures surprises. Stéphane De Groodt est surprenant de douceur et de subtilité, laissant deviner les pensées de son personnage à travers de simples jeux de regards. Suzanne Clément est le petit bouchon de champagne sous pression qui ne demande qu'à péter et Grégory Gadebois s'approprie le côté touchant de son personnage, réservé et pudique, un peu en retrait de ce groupe d'amis d'enfance.
Si la conclusion du film est évidente, l'intérêt de ce partage forcé ne pouvant déboucher que sur des révélations âpres, le déroulé de la soirée n'en reste pas moins accrocheur. Les échanges prêtent à sourire, parfois amèrement. Certaines séquences sont savoureuses de dénis, de mauvaise foi ou de tendresse. La forme est à saluer car on passe quand même une heure et demie autour d'une table, voyeur éphémère dans la vie de parfaits inconnus, sans pour autant sentir poindre l'ennui. Les dialogues s'enchaînent, sans temps-morts et même si la morale n'a rien de surprenante, on se laisse doucement prendre au jeu.
Seul regret, le côté un peu poussif et exagéré des dernières minutes, lors qu’arrive finalement le moment qu'on attendait tous, levant le voile sur les secrets évidents qu'une telle mise en lumière annonçait.
Le jeu rempli son contrat, ni plus, ni moins, avec une petite surprise sur la fin qui divisera à mon avis les spectateurs. Un bon petit film bien mené qui ne creusera pas très profondément la question des dérives engendrées par notre attachement à ce petit écran tactile multitâches mais qui nous a fait passer un bon moment, en couple, jusqu'à ce que mon téléphone vibre, à 23h15, et que ma femme me le tende avec un petit air narquois.
Numéro inconnu