Le pitch de ce film n'est pas sans rappeler "Le Prénom" (excellent dans sa première moitié et raté dans la seconde), avec une atmosphère de huis-clos autour d'un dîner entre amis qui va virer au conflit permanent à cause d'un jeu en connexion avec le téléphone de chacun. Si l'idée de base a ses bienfaits
(satire de l'importance du téléphone dans nos vies; la blague de Vincent vis-à-vis de Thomas en utilisant le concept pour déconner; le faux devient vrai grâce à quelques éléments véridiques (le fait que Marco se rase le torse rend crédible sa fausse homosexualité))
, elle connaît quelques couacs
(le parallèle angoissant entre la pleine Lune et le jeu ne fonctionne pas vraiment et sonne too-much; la fin genre "il s'est rien passé" et "restons cachés pour vivre heureux" est très décevante et empêche le film d'aller au bout ses situations avec chaque personnage)
, pour un résultat global qui n'est pas le feu d'artifice attendu, que ce soit sur l'humour ou bien les confrontations. C'est d'ailleurs bien dommage, car le scénario passe en revue quelques thématiques majeures et actuelles,
comme la première fois (la séquence touchante avec Margot, la fille de Vincent et Marie, où il est question de la capote, du consentement et des liens mère-fille et père-fille sur le sujet), l'homosexualité (Ben ne s'y attendait pas et ne sait pas comment l'appréhender, sachant qu'il a divorcé d'une femme il y a peu; dommage que les autres protagonistes enchaînent les clichés sur ce sujet), le rapport au corps (se faire refaire les seins; Léa tient un salon; la grossesse désirée; Ben en prof de gym complexé et moqué pour son poids), la vieillesse (la mère de Marco en résidence sénior?), le couple (la jalousie, l'adultère (un peu trop d'ailleurs), Vincent voit un psy qui n'est pas sa femme, Marie se fait refaire la poitrine par un chirurgien autre que son mari) et la vie privée (sur ce point, le film est très insuffisant).
Sur l'aspect comédie, à certains gags et répliques plaisantes
(l'app Fizzup; le quiproquo Ben-Marco; la blague sur la veuve et cocue en même temps; la cuisine de Vincent (les huîtres à l'encre de seiche, le foie gras au lait, les brocolis); le vin bio gazeux)
s'opposent des lourdeurs
(les intolérances alimentaires de Marco, c'est trop; le running gag de la photo manquée aussi)
. Par rapport à la réalisation, je regrette que Fred Cavayé enchaîne les plans fixes au lieu de faire naviguer sa caméra d'un personnage à l'autre. Ce choix est dicté par des dialogues souvent trop longs, qui font que les interactions manquent parfois de panache. Enfin, un petit mot sur le casting, avec les excellents Stéphane de Groodt, Bérénice Béjo et Grégory Gadebois. J'ai été moins convaincu par les autres. Au final, "Le Jeu" est un film mitigé sur tous les aspects (réalisation, distribution, humour, pitch, drame) et qui ne rend pas pleinement hommage à son excellente idée de départ.