Les films français se déroulant en huis-clos avec une troupe d’acteurs célèbres sont légion, du culte « Le Père Noël est une ordure » en passant par « Le Prénom » ou « Le Code a changé ». C’est même devenu limite une spécialité hexagonale voire un sous-genre en soi au fil des années. La plupart du temps ce sont des comédies à la limite de la pièce de théâtre filmée, ce qui n’est pas forcément une critique. Fred Cavayé, que l’on a connu grâce à ses thrillers musclés qui ont renouvelé le genre en France à leur petite échelle (« A bout portant », « Pour elle », …), a semble-t-il pris goût à tourner des comédies après le succès du très moyen « Radin » avec Dany Boon. Avec « Le Jeu », on est davantage conquis car c’est bien plus maîtrisé, réussi et sympathique.
Mais que ceux qui s’attendent à une franche comédie populaire, dans le style des produits - le mot est choisi - de Fabien Onteniente par exemple, en seront pour leurs frais. Cavayé a choisi de mettre de l’aigreur dans son film, de le saupoudrer d’humour noir mais surtout d’y verser une bonne dose de drame. Ce qu’il perd en humour, il le gagne néanmoins en profondeur. Alors oui on rit à plusieurs reprises, le comique de situation fonctionnant à plein régime et certaines répliques étant vraiment bien mises en bouche. Il faut dire que le postulat de faire mettre sur la table à tous les convives d’un dîner leur téléphone de manière à partager tout ce qu’ils reçoivent est carrément excellent. Non seulement l’idée tient du génie, mais elle est également optimisée à merveille dans « Le Jeu » à tel point qu’un remake américain ne serait pas étonnant. Mails, SMS, appels, Skype, tous les moyens de communication sont passés au crible montrant que nos téléphones deviennent les coffre-forts de nos secrets les plus intimes, et par ricochet les outils parfaits de nos mensonges et tromperies. Le film est donc plutôt drôle mais ce n’est pas non plus le grand fou rire annoncé.
Non, car Cavayé à l’intelligence de rendre « Le Jeu » bien moins frivole et ludique qu’en apparence, ce qui surprend au début. Les secrets et cachotteries de chacun sont vecteur de scènes digne d’un vaudeville mais également de drames et crises de couples. Le personnage joué par Suzanne Clément, drôle au début, se révèle de plus en plus émouvant et triste. Celui de Grégory Gadebois, au détour d’une tirade finale magnifique, s’affirme comme touchant et juste. Et, lors d’une scène qui titille vraiment les glandes lacrymales, Bérénice Béjo est bluffante. Cavayé a donc su mélanger humour et émotion dans un dosage parfait. Un cocktail bien sympathique rehaussé d’une mise en scène qui s’affranchit le plus possible du statut de huis-clos du long-métrage et agrémenté d’un constat sociétal fort distillant pas mal de vérités sur ce qu’est le couple d’aujourd’hui. Quant à l’excellence d’une distribution parfaite, homogène, où personne ne tire la couverture, elle n’est pas étrangère à cette réussite. On reprochera néanmoins une double fin totalement inutile qui parasite un peu le résultat, comme si Cavayé avait peur de terminer son film de manière grave. Et là il se tire un peu une balle dans le pied…
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