C'est un film puissant et qu'on se rappellera longtemps, que cet "Onoda. ". IL s'attache à cette page terrible de la guerre du Pacifique, où les forces américaines rencontrèrent une résistance si acharnée pour reconquérir les îles une par une, au prix de pertes si importantes que l'option nucléaire leur apparue souhaitable, afin de mettre un terme à la guerre. L'engagement des soldats nippons fut extrême, jusqu'à la mort souvent acceptée comme sacrifice ultime. Les codes d'honneur sont on le sait très importants dans ce pays, et le respect à l'autorité légitime. Si le cadre de la guerre est prégnant, et cruel, le metteur en scène a l'habileté de davantage suggérer que de montrer. Encore une preuve de son excellence.
L'histoire si elle est authentique, peut faire croire en voyant le film, que quelques ficelles ajoutées au scenario l'ont rendu plus cinématographique. Mais à mon grand étonnement, parcourant le dossier de presse, et le compte rendu de la véritable histoire, j'apprend que le cinéaste n'a rien ajouté au déroulement de l'action, du début à la fin. Même cette rencontre finale avec le jeune étudiant, qui parait presque du " troisième type". avouant ses buts essentiels au soldat: "Trouver le yeti, et aussi le lieutenant Onoda, devenu une légende au Japon....."
Voilà donc l'odyssée dans une ile des Philippines couverte d'une jungle épaisse, de cet officier tenant fermement un groupe de quatre hommes sous son autorité, donnant un but à leurs jours!
Cette histoire dépasse de beaucoup le cadre de la guerre. Il fait référence à l'esprit de corps, et à la possibilité de s'enfermer dans une sorte de déni frisant le délire, alimenté par une paranoïa mystifiant le réel....Les éléments d'information semblant prouver que la guerre est finie depuis quelques années, s'ils ébranlent un temps le groupe, quand ils sont mis en contact d'un transistor, leur donnant des informations ( et un morceau de rock and roll, moment comique...) vont pourtant être vite balayé: Onoda décryptant avec assurance une tentative d'intoxication pour qu'ils abandonnent le combat. Il y a un refus total de voir les choses en face, un aveuglement délibéré, délimité par des œillères choisies: La fidélité aux ordres et à l'empereur, menant à une extension de la tragédie, par des soldats enfermés dans leur monde, de façon autistique!
A l'heure du covid, où les informations scientifiques sont réfutées sur l'heure par des gens certains de leurs vérités, et du grand complot à l'œuvre, ce film parait un clin d'œil pertinent, pour nous apprendre à nous méfier des beaux parleurs, et des sectaires, parvenant à donner une apparence de crédibilité à leur délire.
C'est donc un film universel, une sorte de fable située entre "Robinson Crusoé", et " Voyage au bout de l'enfer" de Cumino. On ne revient jamais le même au retour d'une guerre!. Encore faut il déjà en revenir, comme Ulysse, tant la route du retour est longue!. Et tout autant le vouloir, quand la vie militaire et la soumission aux ordres est plus rassurante, que d'avoir à se réadapter !.
Et c'est peut être cela aussi qui fait peur à ces hommes, dont le nombre diminue peu à peu, pour ne plus être finalement qu'un couple, semblables à des enfants jouant au soldat, ou des vieillards cramponnés par la force de leur habitude, à un combat étrange qui n'a de sens que pour eux, et sans lequel sans doute ils ne seraient plus rien!.
C'est de moins en moins facile d'avouer qu'on s'est trompé, quand on a fait tant de route.
Oui, vraiment, ce film puissant dépasse les thèmes du film du genre guerrier. Il rappelle précisément ces grands films japonais que signait Kurosawa, le grand maitre, et que le cinéma nippon continue d'ailleurs à produire, fidèle à ce qu'était le cinéma italien des années 50 et 60.. Des films qui interrogent et nous aident à vivre.
J'apprend que le metteur en scène néanmoins est français. Est il resté lui aussi sur une île, cultivant la mémoire de ses grands ainés: John Houston, Rossellini, autres metteurs en scène prestigieux qui s'intéressèrent à la guerre, cet accélérateur des névroses, de la passion, de l'engagement, et de la folie.