Tout comme au commencement du "Carrosse d'or", c'est une scène, qui apparaît à l'écran. Je veux dire une "autre scène", comme s'il fallait indiquer au spectateur que c'est bien à un spectacle, qu'il va assister. Dans le "Carrosse d'or", il s'agissait d'une scène de théâtre, ici il s'agit d'une scène de guignol. Dans la présentation qui précède le film, on nous raconte que Michel Simon est réellement tombé amoureux de la jeune actrice qui jouait Lucienne, Janie Mareze, qui mourrut tragiquement dans un accident de voiture peu après le tournage. Michel Simon arriva avec un révolver menaçant Renoir et l'accusant d'avoir tué son amoureuse. Renoir lui répondit qu'il avait seulement tourné un film, Michel Simon jeta son révolver à terre et les deux hommes se serrèrent la main. Ce film est immoral d'un bout à l'autre. On vit, on meurt, on souffre, on s'illusionne d'être aimé(e), on se fait manipuler, humilier, moquer, et tout cela se déroule dans la bonne humeur, la légèreté et le rire. Le phrasé de l'époque est savoureux, le trait est forcé. Jean Renoir est le second fils du peintre Auguste Renoir, faut-il voir un clin d'oeil à son père dans l'incarnation par Michel Simon d'un peintre à ses heures, qui exerce par ailleurs comme caissier un peu falot, sadisé par sa femme, mais non dénué d'esprit provocateur et d'humour. L'intrigue annoncée lors du guignol de départ, c'est l'homme, la femme et l'autre. L'autre, c'est le souteneur, une caricature de ce que c'est qu'un homme, un vrai ! Lorsqu'il se vante auprès de son acolyte, nous spectateurs savons qu'il enrobe la réalité à son avantage. Voilà un grand film, un chef d'oeuvre. Vraiment le cinéma Le Champo fait fort cette semaine avec de telles reprises ! "La Chienne" de Renoir et "Le secret derrière la porte" de Fritz Lang. Bravo, voilà un cinéma engagé pour le cinéma. Merci à eux.