J’avais été subjugué par le précédent film de Claus Drexel « Au bord du monde » où dans un Paris sublimé par les images de Sylvain Leser, un Paris vidé de ses habitants "normaux", filmé de nuit, à plusieurs saisons, où surgissaient des ombres , poussant des caddies lourdement chargés, des cabanes de cartons, des tentes Quechua ...des exclus, des marginaux, SDF ou clochards... Cette fois-ci Claus Drexel, toujours accompagné de Sylvain Leser, a posé sa caméra à Seligman , petite ville de l’Arizona d’à peine cinq cent habitants, au bord de la mythique route 66, animée entre 1926 et 1978 avant que le trafic ne soit dérivé sur la Highway 40…La vie semble s’y être figée, entre voitures « vintage » et motels plus ou moins abandonnés…Claus Drexel a cherché à comprendre cette Amérique profonde, celle de ces “rednecks� qui vivent plus ou moins d’expédients pour certains, qui restent les fidèles défenseurs du deuxième amendement qui garantit à tout citoyen américain le droit de porter une arme…chacun des personnes rencontrées saura décrire celles qu’elles possèdent, justifiant le sentiment de sécurité qui peut naitre d’une assemblée où les gens sont armés, reconnaissant pour un jeune couple , initier aux armes leurs enfants dès leur cinquième anniversaire ….
Nous sommes à quelques mois des élections présidentielles et Drexel cherche à comprendre par anticipation ces américains déclassés, fermiers , anciens vétérans du Vietnam, employés ayant largement atteint l’âge de la retraite mais continuant à travailler par nécessité, qui ont le sentiment de vivre dans une Amérique au bord du gouffre, rejetant l’élite des politiques et notamment Hillary Clinton , et qui finiront par porter au pouvoir Donald Trump, parfois sans conviction, voire contre leur propre intérêt, et presque par bravade mais avec l’envie irrépressible de dégager tous ces politiciens qui, loin là-bas, à Washington, les ont abandonnés, tous ces technocrates loin des réalités du terrain. Devant cette caméra, ces laissés-pour-compte, s’expriment librement, assurés de ne pas être jugés, ni même interrompus. Le discours reste quand même simpliste nourri de rhétoriques populistes et ne nous apprend guère plus que nous ne savions déjà….mais on reste sensible à la splendeur des images de Sylvain Leser, hommage à une Amérique des grands espaces, de carte postale et de westerns