"Frères ennemis" : un titre particulièrement bien choisi pour le troisième long métrage du peu prolifique David Oelhoffen, plus connu dans le métier de scénariste. Car ce titre résume parfaitement bien les tenants et aboutissants qui vont unir les deux personnages principaux. Une fois n’est pas coutume, je donne une mention spéciale à celui ou celle ou même ceux qui ont trouvé ce titre pourtant facile à dénicher. Mais cette mention spéciale ne va pas être la seule, puisque deux autres vont être décernées aux deux acteurs qui campent les personnages principaux. Peu importe le sens dans lequel je les donne, car tous deux la mérite autant l’un que l’autre. Et comme il me faut commencer par un, autant citer Matthias Schoenaerts du fait que c’est pour ainsi dire lui qu’on voit le plus à l’écran. Je l’ai trouvé bluffant dans le rôle de ce délinquant, mettant tout son charisme pour interpréter au mieux le rôle dont il a hérité. Certes son personnage est décrit comme un dur qui se joue des autorités, mais aussi comme un excellent père (quoiqu’on se demande en quoi un trafiquant de drogue peut être un père parfait) car c’est aussi un gars qui a une certaine fragilité. Pour preuve, interpréter et faire ressentir au spectateur cette peur quand il se fait prendre en chasse, eh bien ce n’est pas donné à tout le monde. Pour un peu, on pourrait croire qu’il a réellement peur ! Et la façon qu’il a de se raccrocher aux siens comme s’il ne devait plus jamais les revoir… l’étreinte se suffit à elle-même et est judicieusement dépourvue de mots, du moins presque. Mais faire ressortir ses veines, que ce soit sous les yeux ou sur le front quand il est en prise à un cruel dilemme et une vive douleur, alors là moi je dis chapeau ! Et puis il y a Reda Kateb, dans la peau du flic tourmenté. C’est en le mettant en face de Manu que le titre prend tout son sens. On le sent pleinement concerné dans ce qui s’apparente à un début de guerre des gangs. La description des personnages nous fait comprendre peu à peu qu’un certain passé remontant à l’enfance l’unit avec celui qu’il poursuit. Mais rien n’est facile dans ce cas-là, en particulier quand il y a en plus une profonde amitié et complicité, même si elles ont été mises à mal par des trajectoires diamétralement opposées, ce qui va bien entendu amener des différences et de très grandes difficultés dans la mise en œuvre des plans d’action. Tout cela est formidablement décrit par le cinéaste, autant par son scénario que dans la réalisation. Cependant il demeure une question sans réponse concernant Driss : qu’est-ce qui a bien pu causer la rupture de dialogue entre son père et lui ? Dans tous les cas, il suscite une certaine peine chez le spectateur, ce dernier allant jusqu’à se surprendre à lui souhaiter de réussir à sortir de là son ami d’enfance sans trop de casse. Parce que l’air de rien, d’une certaine façon on adhère aussi à la quête de Manu. Après, ce que propose le scénario n’est pas très nouveau en soi. Mais il retrace avec je pense beaucoup de crédibilité la vie des hors-la-loi, d’autant plus que bon nombre de scènes ont été tournées caméra à l’épaule, laquelle est braquée tour à tour sur celui qui va donner la réplique. En dehors de ça, David Oelhoffen prend son temps en faisant commencer son film de manière assez informelle. Puis vient la scène présente dans la bande-annonce : « Démarre, démarre, démarre !!! » qui donne le véritable coup d’envoi de ce film en scotchant le spectateur dans son fauteuil. Cependant j’aurai deux reproches à faire concernant ce long métrage. D’abord il aurait fallu davantage de punch pour rendre l’intrigue parmi les plus haletantes et y transporter complètement le spectateur. Ensuite, ce sont les arrêts brutaux du son, et ça commence dès la présentation des comédiens. Fort heureusement, c’est une manie qui disparait assez vite car elle a tendance tout de même à interpeller le spectateur et à le sortir de l’histoire. Et puis il y a le petit détail qui tue, quand on voit Manu conduire sa belle Audi : on aperçoit le compteur... qui reste à zéro… cherchez l’erre ! Pour ce qui est de la musique, elle est peu utilisée. Dans un premier temps pas du tout, hormis celle qu’entendent les protagonistes. Dans un second, elle vient souligner efficacement les scènes d’action et les moments d’extrême tension. Pour résumer, "Frères ennemis" est un bon film, mais s’oubliera finalement assez vite. De ce film, on retiendra la performance de Matthias Schoenaerts et de Reda Kateb, ainsi que la scène qui lance vraiment le tout.