Un film policier hybride qui devient métaphore de la vie. Admirable, dérangeant, maîtrisé, par sa fulgurance, ses éclairs de violence. Brutal et contrasté, Pascal Luneau nous laisse chancelants et pourtant, ébaubis. Un réalisateur qui macère longuement ses projets, jusqu'à la fièvre, pure folie jusqueboutiste qui consterne chacune des séquences. Un improbable alliage temporel au-delà des frontières, transgressant codes et clichés, échappant à tout et touchant juste. Présences troublantes, faces à faces pesants, délicats où l'amour même irradie de sa touche de candeur, de retenue, seule lueur de vérité dans cette toile suffocante soigneusement tissée, implacable et sans issue. On devine l’engouement des enjeux tel un tsunami déferlant qui l'emporte sur les sentiments, laissant un goût amer, impitoyable mais doux. Cette mise en abîme philosophique de l'être insaisissable qu'on croit connaître mais dont les infinis possibles nous effleurent à peine, nous glisse du bout des doigts avec sagesse, surprenant degré de réflexion, de non dit au silence éloquent. Les gueules d'ange de Karine Valmer et d'Antoine Martin-Sauveur mettent du relief sur ce sujet inextricable d'une société biaisée, blasée de valeurs corrompues depuis le zèle de résistance de nos aïeux. Ce rigoureux panaché d'acteurs qui ont du chien rappelle la multiplicité des époques et cultures qui sont nôtres aujourd'hui. Un film d'ambition où forme et fond s’épousent. L’audace l'emporte, puisse-t-elle faire florès auprès du public pour en garder mémoire. Artiste considérable et complexe, homme d'exception, sa bienveillance n'oublie rien ni personne dans cette aventure de cinq années. Equilibriste des paradoxes où il se risque, on devine l'univers d’intelligence, de sensibilité à la pudeur vulnérable cachée; un tout lui conférant cette puissante singularité d'où émergeront d'autres succès.