Le Traître est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2019, et marque le grand retour de Marco Bellocchio dans cette sélection, dix ans après Vincere.
Tommaso Buscetta (PierFrancesco Favino dans Le Traître), alias Don Masino, est un personnage fascinant qui a marqué à jamais l’histoire de la lutte contre la mafia. Né à Palerme en 1921, le plus jeune d’une famille pauvre de 17 enfants, il se marie jeune et a déjà deux fils à seulement 16 ans. Il commence sa carrière dans le crime en 1945. Il montre vite ses compétences et progresse rapidement au sein de la hiérarchie de Cosa Nostra. En 1963, poursuivi par la justice italienne il s’enfuit aux États- Unis puis au Brésil. On le surnomme alors : « Le Boss des deux mondes ». Mais l’empire de Buscetta va s’écrouler. Il est arrêté par la justice brésilienne, torturé et incarcéré en Italie. En 1980, il parvient à s’évader et repart au Brésil afin d’échapper à la guerre des mafias. En 1982, alors qu’il s’est remarié avec Cristina, une jeune brésilienne avec qui il a 2 jeunes enfants, Buscetta est à nouveau arrêté par la police brésilienne. Fatigué, lassé par les exécutions de ses proches, et surtout par l’assassinat sauvage de ses deux fils ainés, il tente de se suicider en s’empoisonnant. Sauvé de justesse, il est extradé vers l’Italie et collabore avec la justice.
Le Traître est davantage l’histoire de Tommaso Buscetta que celle de Cosa Nostra. Tommaso Buscetta est un individu versatile, constamment en mouvement, dans sa vie et ses relations personnelles. Il est singulier, intelligent, charmant, efficace et doté d’une autorité naturelle. Un mafieux fidèle à Cosa Nostra, mais aussi à ses principes personnels, ne craignant pas de contester l’autorité, à laquelle par ailleurs, il refuse de prendre part. De la fin des années 1970 au début des années 1980, il doit faire face à la montée en puissance des corléonais, dirigés par l’intraitable Toto Riina. Ce nouveau groupuscule est impitoyable, et bafoue les principes fondamentaux de Cosa Nostra : ils tuent femmes, enfants et éliminent tout obstacle sur son passage. Tommaso Buscetta ne trouve plus sa place. Quand, en 1982, il s’installe à Rio de Janeiro avec ses enfants et sa femme qu’il aime, il a pour but de cesser toute activité pour la mafia. Or, on ne quitte jamais la mafia, et l’organisation le traque sans cesse, mais elle est devancée par la police brésilienne qui l’arrête et le fait extrader vers l’Italie.
Tommaso Buscetta a proposé un accord à la justice italienne : parler, collaborer à démanteler la mafia, en échange de sa protection et de sa survie. Bientôt, il rencontre le juge Giovanni Falcone, imposant, inflexible et tenace. On plonge alors dans les profondeurs de l’organisation sicilienne : les meurtres, les fusillades, les coups montés. Tout cela est la toile de fond de l’histoire racontée par Buscetta, qui se révèle être le plus grand mystère de Cosa Nostra. Nul ne sait ce qui le pousse à collaborer : la survie et la sécurité évidemment, mais il semble animé par d’autres desseins : la vengeance et la volonté de démanteler une mafia qui ne correspond plus à ses valeurs. Buscetta franchit une étape décisive, il devient un traitre en passant dans le camp ennemi. Mais il ne se considère pas comme tel.
Au fur et à mesure de ses confessions, Tommaso Buscetta met en exergue le fossé qui s’est creusé entre « sa » mafia et celle des corléonais. Ainsi il entend rendre justice à la vraie Cosa Nostra. Il fait alors de Toto Riina, le traître ultime de l’histoire. La trahison est un thème récurrent et inlassablement exploré au cinéma, justement parce qu’il propose une réflexion sur le changement. Un homme, au cours de sa vie, peut-il réellement et profondément changer ou n’est-ce que simulacre ? Le changement est-il un moyen de guérir, de se repentir ? Buscetta, qui refusa toute sa vie l’appellation de « repenti », s’est-il inscrit dans cette démarche de guérison, de rédemption afin de devenir un homme nouveau ? Ou a-t-il créé sa propre justice ?