Un petit bijou, qui trouve son origine dans un événement archéologique tout à fait ordinaire : la découverte d’une main sculptée au fond d’un fleuve, en l’occurrence, le Rhône. Une main manifestement féminine, assurément gracieuse, furieusement énigmatique. Une main au pouvoir d’imagination tel que Jean-Luc Piacentino, pour son premier long métrage, en a conçu toute une intrigue antique, aux personnages denses et pittoresques, articulée autour de lourds secrets et d’une œuvre commandée au sculpteur Tullius : une Vénus Callipyge.
Quelle est l’histoire de cette main ? Tel est le fil conducteur que "L’Ombre de Vénus" investit de bout en bout, au grand plaisir du spectateur, qui suit, avec une curiosité sans cesse piquée au vif, les péripéties romaines, les fouilles contemporaines, et les soliloques solennels dans des ruines syncrétiques et intemporelles.
Les caprices de l’artiste taciturne et ses tergiversations entre intransigeance et ambivalence, fermeté et fragilité, au grand dam de la sublime Sabina, sa sœur, et de la placide Gratidia, à la présence rassurante et décisive, imposent un rythme haletant au dessillement progressif de la genèse de cette main. Les décors, polis avec soin dans leur élégance et minimalisme, mettent en exergue le jeu des acteurs juste et convaincant. L’immersion dans ce passé lointain ne souffre donc pas d’un réalisme factice. Le réalisateur n’a pas cherché à recréer un univers, mais à proposer des intuitions et des fulgurances, qui atteignent un paroxysme en certains plans, certaines séquences musicales et certaines poses. Le spectateur se sent au cœur d’une acuité créatrice.
À cela s’ajoutent les nombreux épisodes de fouilles sans filtre, où Luc Long, l’archéologue en chef, nous gratifie d’une spontanéité et d’une expertise vivifiantes. Un documentaire palpitant d’images et de dialogues bruts, qui retrace les hésitations quant à la nature véritable de cette main. La résolution de l’énigme culmine alors dans un festival d’enthousiasme.
En définitive, la triple temporalité que propose "L'Ombre de Vénus" précipite le spectateur dans un véritable questionnement existentiel. Il ne ceint plus seulement les fouilles archéologiques, ni les choix artistiques de Tullius, ni même le rapport entre les deux, ventilé par les séquences poétiques dans les ruines. L'Ombre de Vénus interroge la perception qu'a chacun de sa propre postérité, mais aussi l’origine lointaine des objets. À chaque pierre son sculpteur, à chaque sculpteur sa pierre, comme une métaphore vivace et chatoyante de l’éternelle épreuve de l’existence.