La réalisatrice Ellen Kuras propose avec son film très sobrement intitulé « Lee Miller » la biographie d’une femme dont j’avoue, je ne connaissais rien avant la projection. On pourra dire que son film, quoiqu’un tout petit peu long, est plutôt soigné en ce qui concerne la reconstitution historique. Pour tout ce qui concerne les scènes de guerre, d’abord à Londres pendant le Blitz puis ensuite dans la Paris libéré puis l’Allemagne ravagée, il y a dans « Lee Miller » le souci de l’authenticité des décors et des costumes. La musique est discrète, et les scènes les plus difficiles à montrer sont plutôt filmées avec retenue. Lee Miller ne baissait pas son objectif même quand ce qu’elle photographiait était abominable ; Ellen Kuras montre elle aussi, mais elle floute un petit peu, elle montre les photos plutôt que la réalité. Il faut dire que filmer la libération d’un camp de la mort est une gageure, il faut reconstituer et c’est délicat, compliqué, cela peut vite devenir un problème éthique. Ellen Kuras montre mais sans complaisance, de manière un peu détournée. Là-dessus pas grand-chose à redire. Le souci est que son film a des petits trous d’air, des longueurs, des scènes un peu superflues qui hache un peu le long métrage. Et puis il y a aussi les 20 premières minutes, trop longues et dont l’intérêt est discutable ; on voir Lee insouciante, au milieu de ses amis mondains en France, batifoler, boire (beaucoup), fumer (énormément) et profiter d’une vie de bohème à quelques encablures de la Guerre. C’est probablement pour montrer combien Lee Miller à tourné de dos à cette vie d’artiste et combien la Guerre l’a changé en profondeur mais n’empêche : tout ce début est long et pas follement passionnant. Le film ne devient réellement prenant qu’à partir de 1940. Le biopic est construit sur une trame ultra conventionnelle : Lee en 1977 raconte sa vie à un jeune journaliste, elle semble très affaiblie, et elle raconte d’un ton détaché et un peu cassant les étapes de sa vie de photographe de guerre. Ensuite on fait des sauts de puce dans le temps : Londres et le Blitz, la Normandie, Paris libéré, l’Allemagne vaincue jusqu’au camp de la mort (non identifié en tant que tel)
et à la maison d’Hitler (à Munich d’après ce que j’ai pu comprendre) où elle fera une photo (très) particulière.
C’est une narration très classique, chronologique avec juste ça et là quelques scènes où elle commente entre deux clopes et deux verres d’alcool. « Lee Miller » est le portrait d’une femme des années 40 à qui la Guerre a fracassé la vie. Elle se bat pour devenir photographe d’abord puis pour être envoyée sur le front européen. Elle se battra en permanence pour s’imposer en tant que femme dans un monde plus masculin encore que tous les autres. Le fait qu’elle soit une femme n’est sans doute pas pour rien dans le fait qu’elle soit tombée dans l’oubli après la Guerre. Très féminine, marié et sans enfant, elle dénote dans l’Europe des années 40, on peut dire qu’elle fut une féministe à sa manière, sans aucun doute. Mais « Lee Miller » est un film qui ne fonctionne pas complètement, on a l’impression (à cause de son classicisme peut-être) qu’il reste à la surface des choses, qu’il rate un petit peu sa cible, de peu certes, mais quand même. Je ne sais pas trop ce qui cloche mais ce qui est certain, c’est que ce n’est pas du côté de Kate Winslet qu’il faut en chercher la cause. J’adore cette actrice, qui fait toujours des choix audacieux, qui sait s’effacer totalement derrière un rôle, qui ne se glamourise jamais au détriment de son personnage et qui, j’en ai la conviction, n’a pas peur de grand-chose devant une caméra. Elle porte totalement le film sur ses épaules, au détriment d’ailleurs des seconds rôles qui sont parfois fort peu écrits. Le seuil qui parvient à tirer son épingle du jeu à ses côtés, c’est Andy Samberg. Ca fait super plaisir de le voir sur un grand écran dans un rôle hyper sérieux, ans antipodes de ce qu’il faisait à la TV. Il incarne le photographe de Life sur le front, il forme avec Lee Miller un duo qui se soutient, collabore, se rend service et noue au final une amitié de « frères d’arme » assez touchante. Les autres seconds rôles sont anecdotiques, surtout les rôles français tenus par Marion Cotillard, Patrick Mille ou Noémie Merlant. Quant à l’amoureux de Lee, incarné par Alexander Skasgard, il est un peu écrabouillé par le charisme de son épouse ! Mais le casting fait le job, si le film d’Ellen Kuras pêche un peu, c’est surtout parce qu’il est trop conventionnel dans sa construction, dans son scénario.
Quant au tout petit coup de théâtre de la fin (que l’on sent venir assez tard, je le reconnais), il se veut poétique et allégorique sur le papier. L’effet de tombe pas à plat mais on n’est pas estomaqué non plus.
Tout cela est à l’image du film : plein de bonnes intentions et de petites maladresses.