Tabarnak d'ostie d'crisse de calisse ! Alors que les bons films de zombies/infectés se comptent sur les doigts d'une seule main ces dernières années, les Québécois déboulent tranquillement dans le domaine avec "Les Affamés", une petite perle qui va s'inscrire fissa en haut de la liste des surprises du genre qu'on n'avait pas vraiment vu venir.
La réussite du long-métrage tient avant toute chose à sa forme qui transcende à peu près tous les poncifs de ce type de récit que l'on connaît désormais par coeur.
Adoptant une véritable démarche de film d'auteur (sans que cela implique une connotation péjorative, précisons-le), Robin Aubert ancre son invasion d'infectés dans le cadre expurgé de tout artifice de la campagne québécoise sous la forme, dans un premier temps, d'un film choral suivant les errements sans véritable but de petits groupes de personnages isolés depuis l'arrivée de la contamination. Si ceux-ci seront bien évidemment amenés à se rejoindre pour reformer un symbole d'humanité au milieu de la meute d'affamés, eux-mêmes apparaissent d'abord encore comme "infectés" par notre société qui n'est plus, leur questionnement sur le fait de savoir s'ils ont pleinement profité de la vie avant la chute reviendra d'ailleurs souvent au détour de quelques échanges plus intimes. En ce sens, en ayant la bonne idée de se dérouler quelques semaines après le début de l'infection (et ça nous évite, en plus, pas mal de lieux communs) leurs pérégrinations en solitaire représentent déjà une manière de se débarrasser des dernières bribes d'un monde disparu pour se concentrer sur leur survie par tous les moyens.
La menace des affamés se fait aussi plus grande (ben oui, ils n'ont plus grand chose à se mettre sous la dent, ces goinfres): sur sa droite lancée de réalisme, Robin Aubert tire parfaitement parti de l'environnement naturel pour installer le danger partout, derrière chaque feuille ou chaque craquement de branche lointain (le travail sonore est formidable), on s'attend à voir débarquer la moindre silhouette rompant le faux-calme ambiant distillé par le style contemplatif choisi. Se passant en grande partie de jour, la réalisateur filme les agresseurs comme des apparitions fantomatiques souvent en vêtements colorés qui tranchent complètement avec la verdure ambiante, créant par-là même des sortes de jumpscares simplement visuels d'un genre assez inédit. Et, par le parti pris de leur avoir laissé une apparence très similaire aux humains, nos yeux de spectateur se confondent rapidement avec ceux des personnages pour déterminer si oui ou non une menace est proche lorsqu'une forme humanoïde fait son apparition au loin (la scène de la mère et de sa fille au bout d'un sentier forestier est par exemple flippante à souhait).
De plus, loin de réduire ces affamés à des stéréotypes d'infectés courant tous azimuts pour croquer, le film leur induit une certaine forme d'intelligence -on n'en révélera pas plus mais disons que ce développement se rapproche fortement d'un roman de Stephen King (cette partie aurait d'ailleurs gagné à être un peu plus développée)- ajoutant un peu plus de mystère à toutes les formes que peut prendre le danger.
Quelques petites bizarreries viendront parfois nous surprendre (mais pourquoi diable aller se balader dans la brume après avoir trouvé un abri momentané ?) mais jamais rien qui ne parviendra à casser l'intensité omniprésente du film. Par son approche d'horreur auteurisante qui ne veut jamais quitter le cap de la boussole du réel, "Les Affamés" nous enferme dans son univers anxiogène de la première à la dernière minute, offrant ici et là quelques rares respirations grâce à ses personnages qui cherchent constamment de la légèreté dans l'humour ou dans des discussions relevant de leur quotidien antérieur afin de ne pas sombrer dans le désespoir le plus total...
Porté par une excellente distribution d'acteurs (dont on retiendra surtout Marc-André Grondin, Brigitte Poupart en archi-desperate housewive prête à se jeter dans tous les carnages ou encore la jeune Charlotte St-Martin à la bouille très attachante), "Les Affamés" prouve que ce type de récit peut encore nous être raconté d'une différente et brillante manière en n'oubliant pas de privilégier avant tout ses protagonistes humains et la réalité dont ils sont issus face à une menace d'infectés offrant toujours des perspectives visuelles intéressantes si le talent pour la traiter intelligemment est présent.