Ce n’est pas la première fois que François Vidocq est porté à l’écran. Il faut dire que ce personnage historique, au parcours pour le moins étonnant, est un cadeau pour le cinéma et la télévision. Jean-François Richet, qui a été biberonné au cinéma américain, sait comment raconter une histoire comme celle-ci. Et techniquement son film tient la route, même s’il a encore à mes yeux quelques défauts. C’est joliment filmé, avec des très beaux plans, une utilisation intelligente de la lumière (les ombres, les seconds plans, les très gros plans), un montage nerveux, qui ne laisse pas beaucoup de temps morts au spectateur. C’est un film d’1h50 bien rythmé, qui allie les petites habitudes du cinéma « à l’ancienne » (comme le petit contexte historique écrit en guise de générique de début) avec la technique et l’énergie du cinéma moderne. Pas de doute, Richet connait son métier, et il propose un film indéniablement ambitieux. La reconstitution du Paris pré-Haussmannien de l’Empire, véritable coupe-gorge, est très soignée. Mais une reconstitution, ce n’est pas seulement le soin apporté aux costumes, aux accessoires et aux décors, c’est aussi une atmosphère. Et celle de la courte période impériale (20 ans si on compte large, au regard de l’Histoire de France c’est peanuts !) est particulière, toute empreinte de patriotisme mi-révolutionnaire, mi-belliqueux. C’est une époque ambivalente, à la fois toute dévouée au culte du chef (souvenir de la monarchie) mais c’est aussi la première fois que l’ascension sociale est possible en France, par les armes essentiellement (héritage de la Révolution). L’histoire de Vidocq n’aurait pas été possible à une autre époque et cette atmosphère particulière, Richet arrive bien à la rendre à l’écran. Je lui concède malgré tout deux défauts, deux défauts que je redoutais au vu de la bande-annonce : une musique pas désagréable mais omniprésente et parfois envahissante et surtout des scènes de combats chorégraphiés un peu trop longues, un peu trop répétitives, franchement lassantes au bout d’un moment. Prendre le meilleur du savoir-faire américain implique visiblement de prendre aussi le moins bon par la même occasion, apparemment, c’est presque inévitable. Richet retrouve Vincent Cassel qu’il avait dirigé dans la peau de Mesrine, un autre repris de justice. Contrairement à sa prestation navrante dans « Fleuve Noir » (quel mauvais souvenir !), ici il est convenablement dirigé et il fait le job très proprement. Il apporte au rôle une noirceur, une violence qui n’existait pas dans les précédentes interprétations de Vidocq. A ses côtés, du beau monde comme Patrick Chesnais, Denis Menochet, Fabrice Luchini (un peu ampoulé et verbeux, comme souvent) Freva Mayor ou Denis Lavant (excellent comme d’habitude). Mais je vais accorder deux mentions spéciales à deux seconds rôles, celui tenu par August Diehl (Nathanaël, le compagnon d’infortune devenu ennemi juré) et James Thiérrée en aristocrate revanchard. Ils sont tous les deux parfaits, ils impressionnent sans tirer la couverture à eux, dans le ton qui convient. Le scénario de « L’Empereur de Paris » lorgne du côté… du western ! Plus on avance dans le film, plus cela saute aux yeux. Il est ici question de Bien et de Mal qui s’entremêlent, de rédemption, de paroles données puis reprises, de vengeance, mais surtout d’un affrontement entre « le Mal passé du côté du Bien » contre « Le Mal resté du côté du Mal ».
Ce n’est pas le (long) duel final, dans une Eglise (pour le symbole, pour le décorum) qui va me faire mentir…
Après tout, pourquoi pas ? Le monde de la rue dans le Paris de 1810 vaut bien celui du far-west, question violence et règlements de compte. Historiquement, ce n’est pas un parti-pris choquant mais du point du vue du cinéma, c’est quand même sans surprise. On devine ce qui va arriver et cela ne rate jamais, le scénario de « L’Empereur de Paris » se veut efficace, il est surtout formaté, il se veut moderne, mais il est sans originalité, presque éculé. J’aurais pu m’en douter, au vu d’une bande annonce très moyenne et d’une affiche sans imagination. « L’Empereur de Paris » est indéniablement ambitieux dans sa forme mais décevant sur le fond. Pour attirer du monde dans les salles, on peut proposer autre chose que l’Histoire de François Vidocq ripoliné façon blockbuster ! Encore une occasion manquée comme le cinéma français grand public nous en offre toute l’année ! On peut aller voir « L’Empereur de Paris », on y prendra un plaisir fugace si l’on n’est pas trop exigeant, un plaisir de spectateur pop-corn !