N’étant pas forcément emballé par un nouveau film sur la lutte contre la ségrégation raciale, d’autant plus que je considérais que certains avaient traité le sujet avec brio (je pense notamment à "Mississippi burning", "Selma"…), je n’étais pas parti pour voir ce film au cinéma. Et puis pour une fois, je me suis montré curieux et ai vu (en diagonale) les commentaires élogieux. Il n’en fallait pas plus pour me décider. Alors qu’en est-il ? Assurément c’est un bon film. Un très bon film même. A croire que Spike Lee a fait de ce thème son cheval de bataille tant il semble à l’aise avec. On a tous encore en mémoire son fameux "Malcolm X" (1992). Et cette fois encore il s’est « inspiré de p****** de faits réels » comme il s’est plus à le revendiquer. Et pour cela, quoi de mieux que de s’inspirer de l’œuvre autobiographique du personnage lui-même en personne ? J’ignore si le film respecte à la lettre le bouquin, mais l’histoire n’a pas fini de nous étonner tout au long de son récit. Traité avec le plus grand sérieux comme il se doit, nous avons affaire à un cinéma bavard, très bavard, mais néanmoins imprimé sur un rythme soutenu. L’ennui ne se montre donc jamais, d’autant plus qu’une petite dose d’humour a été incorporée, ce qui ne fait d’ailleurs jamais de mal, surtout quand elle a été utilisée à bon escient comme c’est le cas ici. Ce qui frappe avant tout, c’est la maîtrise de Spike Lee dans ses plans caméras (la croix qui brûle, son reflet dans les yeux de ceux qui la regardent…), dans la précision de sa mise en scène, mais aussi dans la direction des artistes. Mais ce qui frappe aussi, c’est le fiston Denzel Washington. Il est brillant ! Se peut-il que le talent soit une affaire de gênes ? Malgré tout, j’ai noté de ci de là quelques (rares, très rares) petits défauts dans son jeu car j’ai trouvé certaines de ses réactions inappropriées par rapport à telle ou telle chose. Mais comme on dit, personne n’est parfait, et ma foi chacun a sa réaction propre. Alors pourquoi pas ? Dans tous les cas, il tient admirablement sa place, et il le fallait puisque l’intrigue est principalement centrée sur lui. Cependant, rien n’aurait été possible sans les autres. Je pense d’abord à Adam Driver, excellent dans le rôle du binôme. Il met du temps à s’imposer, mais parvient peu à peu à se dresser au même niveau que John David Washington. Je pense ensuite à Jasper Pääkkönen. Lui par contre apporte une sacrée opposition et, doté d’une redoutable perspicacité, constitue le personnage le plus inquiétant. L’histoire a beau être intéressante et rocambolesque par l’ascension fulgurante de Ron Stallworth (John David Washington) et sa prise de contact avec le Klu Klux Klan, je me dois de vous avertir que certains propos peuvent heurter, voire choquer certains d’entre vous, spectateurs. Bon au vu du sujet, on s’attend quand même à entendre du langage fleuri. Et de ce point de vue-là, nous sommes servis ! D’ailleurs le ton est donné d’entrée lors de l’allocution donnée par Alec Baldwin au cours de sa courte apparition en vraie fausse image d’archives. Mais ça va beaucoup plus loin que ça. On connait la puissance du racisme, le pouvoir de l’endoctrinement, cette épouvantable haine qui vous transforme n’importe quelle personne en bête sauvage, il n’y a rien de comparable (ou presque) avec ces gens qui sont tout heureux rien qu’à l’idée qu’ils vont tuer leurs premiers noirs, que les haineux soient des hommes… ou des femmes ! Et même si "Blackkklansmann – J’ai infiltré le Klu Klux Klan" n’égale jamais le niveau émotionnel de "Mississippi burning", le long métrage de Spike Lee a le mérite d’être bien construit et de monter en puissance par paliers au gré d’une superbe bande originale, jusqu’au dénouement final qui se passe en 3 temps : d’abord particulièrement savoureux, ensuite choquant devant l’obligation du discours politiquement correct, puis à nouveau savoureux devant un pied de nez ressemblant somme toute à la réalisation d’une petite satisfaction quelque peu personnelle. Un dénouement qui se passe en trois étapes, avouez que c’est tout de même rare ! Mais ce n’est pas tout. Spike Lee a jugé bon de dire que tout n’est pas réglé pour autant par le biais d’images d’archives bien réelles. Effectivement, il a raison : il y a tant à faire encore…